CD Review: Damijan Močnik (*1967) — et LUX perpetua — S:t Jacobs Kammarkör

Damijan Močnik (* 1967)
et LUX perpetua
Sint Jacobs Kammarkör — Gary Graden

Anders Åstrand & Henrik Ståhlberg, percussion
Ensemble à cordes du Royal College of Music de Stockholm

Tout qui s’intéresse à la musique chorale et visite la Slovénie prend conscience que le pays compte, par rapport à sa superficie, un nombre extraordinaire d’excellents chœurs.

Sa tradition chorale a été nourrie par de nombreux musiciens, et sans surprise elle a vu éclore de nombreux compositeurs de musique chorale, dont le plus connu est sans doute Damijan Močnik.

En tant que professeur de musique, chef de chœur et responsable musical de l’Institution St. Stanislav de Ljubljana depuis de nombreuses années, il a créé une “pyramide chorale”, avec cinq chœurs d’écoles supérieures et deux chœurs d’alumni qui fonctionnent au sein de l’institution. Il était presque inévitable que sa production de compositeur soit quasi entièrement de la musique chorale, et quelques-unes de ses meilleures pièces de musique sacrée sont inclues dans ce CD.

Dans son pays natal la musique de Močnik a longtemps été admirée et largement chantée, mais c’est partiellement via les prestations de Gary Graden et de son chœur de chambre St Jacob de Stockholm (et du Chœur Mondial des Jeunes) que sa renommée internationale s’est développée. Tous deux élèves d’Eric Ericson, Močnik et Graden se respectent clairement mutuellement et travaillent ensemble ici pour produire une série de prestations de qualité.  Le style de Močnik fait référence tant au chant grégorien qu’à la musique slovène, et sa compréhension de la voix est évidente dans toute son écriture. Deux arrangements complets de messes sont inclus ici: la plus récente, la Missa Sancti Francisci Assisiensis (2014-2016) pour chœur mixte, cordes et percussions, et la messe écrite pour ces interprètes, la Missa Sancti Jacobi (2007-2009) qui est pour double chœur, triangle et tambour.

Le CD débute par Acclamatio, une pièce a cappella écrite à l’origine pour voix de femmes en 1995, et réécrite pour chœur mixte en 2015 pour Gary Graden. L’ouverture à l’unisson s’élargissant progressivement vers une harmonie plus riche construite sur des quartes et des quintes est typique du style de Močnik, et la structure palindromique de la pièce montre l’intérêt pour les différentes structures qui figurent dans son œuvre. L’utilisation de l’ostinato, comme les répétitions de motifs courts avec des mélodies plus longues au-dessus et des passages polyrythmiques, sont des marques de son style.

La Missa Sancti Francesci vient d’une Cantate que le compositeur à écrite, et beaucoup d’idées viennent  de cette pièce. “La prière et la vie de François étaient simples et telle est ma musique, qui consiste en lignes mélodieuses, rythmes entraînants et harmonies fraîches.”  L’écriture chorale est simple, l’utilisation des mots est liée de manière rafraîchissante au sens du texte, et les qualités médiévales et folkloriques auxquelles il est fait référence fusionnent bien.

Il y a dans cette musique beaucoup d’énergie contagieuse, ainsi qu’une harmonie parfois luxuriante. L’écriture pour les cordes est aussi évidente, avec de temps en temps pour une oreille anglaise un écho à  Vaughan Williams et Finzi. Le percussionniste est invité à improviser des introductions et des liens entre les mouvements, qui semblent parfois avoir moins de pertinence que d’autres. C’est une musique attrayante, bien à la portée des chorales d’église ou de concert habituelles.

Dans les notes du livret, le compositeur écrit: Dans la Missa Sancti Jacobi pour deux chœurs à quatre voix, tambour et triangle, j’ai pu laisser libre cours à mon imagination créative, sachant que j’écrivais pour un chœur exceptionnel et un chef fabuleux.  Cette pièce exige certainement beaucoup des interprètes, avec un ambitus étendu et des harmonies difficiles pour les chanteurs, mais est accessible tant pour eux que pour l’auditeur. Le même langage musical est utilisé, quoique de manière beaucoup plus complexe, mais la structure de la Messe est unifiée par des motifs qui se répètent et unissent. Les percussions limitées sont très habilement utilisées pour soutenir et illuminer les parties chorales.

Cette compilation comprend aussi deux autres motets a cappella. Entre les deux arrangements de messes on trouve Geburts-Nacht (Nuit de naissance) écrit en 2014 pour chœur mixte à 8 voix, un motet de Noël qui est un arrangement d’un texte allemand du XVIIème siècle.  Il commence par des entrées évoquant des cloches, le chœur aboutissant ensuite sur un accord de quinte creuse tandis que deux voix solistes entament une mélodie traditionnelle de Noël qui se développe en un mélange d’unisson et d’accords de plus en plus riches, jusqu’à une coda répétant les mots « hellen Tag » (jour brillant) avant de revenir sur l’accord de quinte creuse pour clôturer.

L’œuvre titre, …et lux perpetua, est en fait un passage du texte de l’Introït de la messe latine de Requiem, auquel il combine le Kyrie Eleison. Močnik explique C’est une sorte d’hommage à Josquin Desprez qui a honoré son professeur J. Ockeghem avec “Nymphes des bois”. De la même manière qu’il a utilisé le chant choral du requiem comme un cantus firmus, je l’ai basé sur le même cantus firmus, complété par des mélodies du Miserere à cinq voix de Josquin. Le matériau de composition de base se développe en une structure complexe, tant rythmiquement qu’harmoniquement.

Toutes ces prestations résument parfaitement la vision du compositeur, avec un chant magnifiquement ciblé et impeccablement interprété. L’équilibre est parfait et l’engagement total. Gary Graden est un bon interprète de nombreux styles de musique différents, et se sent clairement à l’aise dans ce répertoire. Bien que ce ne soit pas le matériel le plus récent, pour les chœurs qui n’ont pas encore découvert la musique de Močnik il offre une merveilleuse introduction à cette musique, qui mérite un large public.

 

Peter Broadbent est l’un des principaux chefs de Grande-Bretagne, connu pour son engagement constant envers la musique contemporaine. En 1988, il forme la Joyful Company of Singers, qui s’impose rapidement comme l’un des principaux chœurs de chambre d’Europe, remportant une liste impressionnante de concours nationaux et internationaux. Ses performances ont comporté de nombreux festivals britanniques d’envergure comme les BBC Proms, et ils ont donné des concerts et des émissions dans toute l’Europe ainsi qu’aux États-Unis. Le répertoire de la JCScomprend plus de 30 créations et sa discographie s’étend sur plus de 25 CD, l’enregistrement continuant d’être une partie importante de son activité. Peter Broadbent intervient comme chef invité dans toute l’Europe, donne des masterclasses et est juré lors de concours internationaux. Il a récemment reçu la Croix de Chevalier de l’Ordre hongrois du mérite pour la promotion et le renforcement des relations culturelles anglo-hongroises. En 2022, il s’est vu décerner le titre honorifique de MBE (Most Excellent Order of the British Empire) pour ses services à la musique. Courriel: peter.broadbent@jcos.co.uk

 

Traduit de l’anglais par Geneviève van Noyen, relu par Jean Payon