Le Stabat Mater de Jean-Baptiste Pergolèse
Une Analyse logogénique[1]
Oscar Escalada, compositeur, arrangeur, chef de chœur et musicologue
Le mot logogénèse décrit le lien entre les techniques utilisées par les compositeurs et leur correspondance au texte. Ce terme vient du grec logos, « mot » et genesis « origine ».
En linguistique, la logogénèse est l’une des trois branches de la semiogenèse, avec l’ontogenèse et la phylogenèse. Cependant la signification que nous donnons à ce terme en analyse musicale est bien différente de celle qu’il a en linguistique; il ne faut donc pas les confondre.
En musique, le mot logogenèse désigne donc un procédé utilisé depuis les temps anciens pour mettre en relation la musique et les paroles. Au XVIe siècle, Gioseffo Zarlino parlait de “mettere le parole in musica” (mettre les paroles en musique).
Le Stabat Mater est une séquence médiévale attribuée à divers auteurs, parmi lesquels se trouvaient probablement Innocent III (+ 1216) et Jacopone da Todi (1230-1306). Si cette œuvre a pu être reliée à Jacopone, c’est grâce à Georgius Stella, chancelier de Gênes. En effet, il mentionne dans ses « annales génoises » un manuscrit du XIVe siècle contenant des poèmes de Jacopone, qui montrent bien l’origine du Stabat.
Jacopone est connu pour ses laudes, des prières matinales popularisées par Saint François d’Assise au début des années 1200. Les laudes étaient composées de chants religieux interprétés par Saint François dans la langue locale afin que l’Evangile puisse être comprise, le peuple en parlant pas latin. De la même façon, Jacopone a composé ses poèmes dans le dialecte d’Ombrie; c’est pour cette raison qu’est mise en doute sa paternité quant au Stabat Mater, puisqu’il a été écrit en latin.
Cette séquence fut la dernière des cinq séquences officielles de l’Eglise catholique a avoir été incorporée au rituel chrétien en 1727. Les précédentes furent établies pendant le Concile de Trente en 1545-63, et elles sont Lauda sion de Wipo, Victimae Paschali laudes attribuées a Innocent III, Dies Irae de Saint Thomas d’Aquin et Veni Sancte Spiritu de Tomás Celano.
Le Stabat Mater est composé de deux textes un peu différents l’un de l’autre. Ils sont connus sous les noms de Dolorosa et Speciosa, la différence se faisant dès le premier paragraphe :
Dolorosa Stabat Mater dolorosa Juxta crucem lacrimosa Dum pendebat filius |
Speciosa Stabat Mater speciosa Juxta foenum gaudiosa Dum jacebat filius |
Celui qui est utilisé à l’heure actuelle est le Dolorosa.
Une édition des poèmes italiens de Jacopone, publiée à Brescia en 1495, contient les deux versions du Stabat Mater. Cependant, le Speciosa a été oublié jusqu’à ce que, en 1852, A.F. Ozanam le retrouve dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de France à Paris et le transcrive. Il considérait que les deux avaient été écrits par le même Jacopone, avait avoué avoir abandonné l’idée de mettre le Speciosa en vers et a fini par laisser les deux hymnes en prose à cause de l’intraduisible charme du latin, sa musicalité et sa beauté archaïque.
Son opinion mise à part, les avis divergent quant à la paternité du Stabat Mater. Le spécialiste en hymnes anglican, le Dr JM Neale, a présenté le Speciosa en anglais en attribuant sa paternité à Jacopone. Philipe Schaff l’a toutefois contredit dans son livre Litterature and Poetry en argumentant qu’un poète n’écrirait probablement pas une parodie de son propre poème.
De nombreux écrits traitent donc des deux hymnes. Pourtant, autant de protestants que de catholiques vouent une admiration profonde à son pathos, sa description vivante, sa douceur dévotion elle et son onction.
Il existe plusieurs versions du Stabat Mater, compilées par Hvander Velden, qui comportent des différences dans certains paragraphes comme nous allons le voir ci-dessous :
1 Stabat Mater dolorosa iuxta crucem lacrimosa dum pendebat Filius
2 Cuius animam gementem contristatem et dolentem pertransivit gladius
3 O quam tristis et afflicta fuit illa benedicta Mater Unigeniti
4 a) Quae moerebat el dolebat et tremebat cum videbat nati poenas incliti
b) Quae moerebat et dolebat Pia Mater dum videbat nati poenas incliti
5 Quis est homo qui non fleret Matri Christi si videret in tanto supplicio?
6 Quis non posset contristari Matrem Christi contemplari dolentum cum filio?
7 Pro peccatis suae gentis vidit Iesum in tormentis et flagellis subditum
8 Vidit suum dulcem natum moriendo desolatum dum emisit spiritum
9 Eia Mater, fons amoris, me sentire vim doloris fac ut tecum lugeam
10 Fac ut ardeat cor meum in amando Christum Deum ut sibi complaceam
11 Sancta Mater, istud agas crucifixi fige plagas cordi meo valide
12 Tui nati vulnerati tam dignati pro me pati poenas mecum divide
13 a) Fac me vere tecum flere crucifixo condolere donec ego vixero
b) Fac me tecum pie flere crucifixo condolere donec ego vixero
14 a) Iuxta crucem tecum stare te libenter sociare in planctu desidero
b) Iuxta crucem tecum stare et me tibi sociare in planctu desidero
15 Virgo virginum praeclara mihi iam non sis amara fac me tecum plangere
16 a) Fac ut portem Christi mortem passionis eius sortem et plagas recolere
b) Fac ut portem Christi mortem passionis fac consortem et plagas recolere
17 a) Fac me plagis vulnerari cruce hac inebriari ob amorem filii
b) Fac me plagis vulnerari fac me cruce inebriari et cruore filii
18 a) Inflammatus et accensus, per te, Virgo, sim defensus in die iudicii
b) Flammis ne urar succensus, per te, Virgo, sim defensus in die iudicii
c) Flammis orci ne succendar, per te, Virgo, fac, defendar in die iudicii
19 Fac me cruce custodiri morte Christi praemuniri confoveri gratia
20 Quando corpus morietur fac ut animae donetur paradisi gloria. Amen
Le Dolorosa et Jean-Baptiste
Le Stabat Mater ne peut être compris pleinement si l’on se contente de le voir comme une œuvre d’art sublime de l’histoire de la musique. À Naples, la fête annuelle de la Douleur de la Vierge, le vendredi précédant le dimanche des Rameaux, est l’occasion d’interpréter la composition de l’auteur le plus apprécié de la ville. Une procession défile lentement dans les rues de Naples et c’est ainsi, à l’air libre et au milieu des bruits de la ville, qu’on peut s’imaginer l’exécution du Stabat Mater qui est normalement réservé aujourd’hui à l’espace fermé d’une salle, interprété comme œuvre de concert. Comme il est typique de le faire lors des fêtes populaires napolitaines, aux chants et musiques des professionnels se mêlent normalement d’autres choristes et instrumentistes, et viennent s’y ajouter des danses rituelles (comme la tarentelle, typique dans les rites d’exorcisme) et une polyphonie simple improvisée sur la mélodie du Stabat.
Pergolèse est né en 1710 et est mort en 1736 au couvent des capucins de Pouzzoles, à la suite d’une tuberculose foudroyante qui l’a emporté dès l’âge de 26 ans. Originaire de Jesi, il est parti très jeune pour Naples étudier le violon et la composition au Conservatoire « dei Povri ». Il fut Maître de Chapelle suppléant à Naples (1734) et organiste surnuméraire de la chapelle royale en 1735.
La raison pour laquelle il était si populaire à Naples était précisément son intérêt à composer ses œuvres dans une langue comprise par les gens du commun : le dialecte napolitain. En effet, au cours de sa courte vie, il a composé divers opéra qui ont maintenant été oubliés justement parce qu’ils avaient été écrits dans ce dialecte. Le premier d’entre eux était Salustio. En 1731 il a composé La Conversione di Guiglielmo d’Aquitania et l’année suivante Lo Frate’nnamorato. Plus tard, il a composé Adriano in Siria en 1734 et Il Fluminio en 1735, une autre comédie écrite en dialecte.
Pergolèse est considéré avec Baldassare Galuppi, Jean-Baptiste Paisiello et Domenico Cimarosa comme l’un des grands compositeurs d’ “opéra bouffe” du XVIIIe siècle. Son opéra le plus connu est sans aucun doute La serva padrona, composé en italien et donné pour la première fois en 1733.
Le Stabat Mater est la dernière œuvre qu’il a réalisée, peu avant sa mort en 1736. Quand cette séquence a été ajoutée au rituel chrétien, Jean-Baptiste avait 17 ans. L’ajout a eu un grand impact sur l’époque et sur lui, étant donné que les quatre séquences acceptées par le christianisme n’avaient pas été modifiées pendant plus de 160 ans. L’Ordre de Naples lui a alors passé commande, de la même façon qu’ils avaient demandé à Alessandro Scarlatti de composer son Stabat Mater 20 ans plus tôt.
Le Stabat de Pergolèse a beaucoup influencé les compositeurs de l’époque comme Johann Adam Hüler (1728-1804) et Giovanni Paisiello (1740-1860). Jean-Sébastien Bach lui-même a montré son admiration dans son “Tilge, Höchster, meine Sünden” (Psaume 51).
Le Texte et la Musique
La relation entre le texte et la musique ne fait pas de doute dans le cas de Pergolèse. On n’en attendrait pas moins d’un auteur spécialisé dans les opéra, les opéra bouffe en particulier. C’est pour cela qu’il n’est pas étonnant de rencontrer dans sont Stabat Mater certains rythmes musicaux qui permettent de reconnaître la portée qu’il a donné au texte grâce à l’utilisation subtile de la logogenèse.
L’œuvre dans son ensemble intègre des procédés musicaux qui coïncident amplement avec le texte, et parfois même avec chaque mot, ce qui laisse à penser qu’autant de coïncidences ne sauraient être fortuites.
En premier lieu, il est important de se rappeler que les laudes de Jacopone ont été à l’origine du Théâtre Sacré Italien et que Pergolèse était d’abord un compositeur d’opéra. Dans l’hypothèse où le poème aurait bien été écrit par Jacopone, cela montrerait une similitude entre les deux auteurs, basée sur la tendance des deux développer leurs œuvres de façon dramatique et théâtrale.
Lors de l’analyse du Dolorosa, on remarque que sa structure générale se découpe en deux sections. Alors que la première partie décrit les douleurs de la Mère du Christ, devant son enfant crucifié et souffrant pour les péchés du monde, la seconde est une prière à la Mère de Dieu pour partager ses souffrances et que cela plaise à son fils.
Pergolèse a manifestement remarqué cette structure, ainsi son Stabat Mater est également divisé en deux sections de six parties chacune en analogie avec le texte. La première section va du numéro 1 (Stabat Mater dolorosa) au numéro 6 (Vidit suum) et la seconde du numéro 7 (Eia Mater) au numéro 12 (Quando corpus morietur).
Pour que ce découpage soit possible, Pergolèse a du regrouper plusieurs strophes au sein de certaines parties. Rappelons que le nombre total de parties est de 20. Ainsi, le numéro 5 est composé de deux strophes, le numéro 9 de cinq et les numéros 10 et 11 de deux strophes chaque. Le reste des parties comprend une strophe par numéro.
Voici le texte et sa traduction en français :
Première section: descriptive |
1. Stabat Mater Dolorosa Juxta Crucem lacrimosa Dum pendebat Filius |
Debout, la Mère, pleine de douleur, Se tenait en larmes, près de la croix, Tandis que son Fils subissait son calvaire. |
2. Cujus animam gementem Contristatam et dolentem, Pertransivit gladius. |
Alors, son âme gémissante, Toute triste et toute dolente, Un glaive transperça. |
3. O quam tristis et afflicta Fuit illa benedicta Mater Unigeniti! |
Qu’elle était triste, anéantie La femme entre toutes bénie, La Mère du Fils de Dieu ! |
4. Quae maerebat, et dolebat Pia Mater, dum videbat Nati penas incliti. |
Dans le chagrin qui la poignait, Cette tendre Mère pleurait Son Fils mourant sous ses yeux. |
5. Quis est homo qui non fleret Matrem Christi si videret In tanto supplicio? |
Quel homme sans verser de pleurs Verrait la Mère du Seigneur Endurer si grand supplice ? |
Pro peccatis suae gentis Vidit Jesum in tormentis, Et flagellis subditum. |
Pour toutes les fautes humaines, Elle vit Jésus dans la peine Et sous les fouets meurtris. |
6. Vidit suum dulcem natum Moriendo desolatum, Dum emisit spiritum. |
Elle vit l’Enfant bien-aimé Mourir tout seul, abandonné, Et soudain rendre l’esprit. |
Deuxième section: prière |
7. Eia Mate, fons amoris, Me sentire vim doloris Fac, ut tecum lugeam. |
ô Mère, source de tendresse, Fais-moi sentir grande tristesse Pour que je pleure avec toi. |
8. Fac ut ardeat cor meum In amando Christum Deum, Ut sibi complaceam. |
Fais que mon âme soit de feu Dans l’amour du Seigneur mon Dieu : Que je Lui plaise avec toi. |
9. Sancta Mater, istud agas, Crucifixi fige plagas Cordi meo valide. |
Mère sainte, daigne imprimer Les plaies de Jésus crucifié En mon cœur très fortement. |
Tui nati vulnerati Tam dignati pro me pati, Poenas mecum divide. |
Pour moi, ton Fils voulut mourir, Aussi donne-moi de souffrir Une part de Ses tourments. |
Fac me tecum pie fiere, Crucifixo condolere, Donec ego vixero |
Donne-moi de pleurer en toute vérité, Comme toi près du Crucifié, Tant que je vivrai ! |
Juxta crucem tecum stare, Et me tibi sociare In planctu desidero |
Je désire auprès de la croix Me tenir, debout avec toi, Dans ta plainte et ta souffrance. |
Virgo virginum praeclara Mihi jam non sis amara : Fac me tecum plangere. |
Vierge des vierges, toute pure, Ne sois pas envers moi trop dure : Fais que je pleure avec toi. |
10. Fac ut portem Christi mortem, Passionis fac consortem, Et plagas recolere. |
Du Christ fais-moi porter la mort, Revivre le douloureux sort Et les plaies, au fond de moi. |
Fac me plagis vulnerari, Fac me cruce inebriari, Et cruore filii. |
Fais que Ses propres plaies me blessent, Que la croix me donne l’ivresse Du Sang versé par ton Fils. |
11. Inflammatus et accensus, Per te, Virgo, sim defensus, In die judicii. |
Je crains les flammes éternelles; Ô Vierge, assure ma tutelle À l’heure de la justice. |
Christe, cum sit hinc exire, Da per Matrem me venire Ad palmam victoriae. |
O Christ, à l’heure de partir, Puisse ta Mère me conduire À la palme des vainqueurs. |
12. Quando corpus morietur Fac ut animae donetur Paradisi gloria. Amen. |
À l’heure où mon corps va mourir, À mon âme, fais obtenir La gloire du paradis. Amen. |
Les numéros indiqués correspondent à la division effectuée par Pergolèse. Il faut remarquer qu’il y a 12 parties comme il y avait 12 apôtres. Le texte en italique représente le nom du segment.
Il est inévitable à ce niveau de l’analyse de parler de la forme générale que Pergolèse à donné à son œuvre par rapport au poème. La décision de mettre tant de strophes par numéro n’est pas due au hasard. Ainsi, par exemple, les strophes associées au numéro 9 ont toutes le même thème, et tout le passage est articulé autour du même contenu littéraire.
[Mère sainte, daigne imprimer les plaies de Jésus crucifié en mon cœur très fortement.] [Pour moi, ton Fils voulut mourir, aussi donne-moi de souffrir une part de Ses tourments.] [Donne-moi de pleurer en toute vérité, comme toi près du Crucifié, tant que je vivrai !] [Je désire auprès de la croix me tenir, debout avec toi, dans ta plainte et ta souffrance.] [Vierge des vierges, toute pure, ne sois pas envers moi trop dure : fais que je pleure avec toi.]
Les deux strophes du numéro 10 suivent le même principe.
[Du Christ fais-moi porter la mort, revivre le douloureux sort et les plaies, au fond de moi.] [Fais que Ses propres plaies me blessent, que la croix me donne l’ivresse du Sang versé par ton Fils.]
Cette première analyse est capitale pour comprendre le sujet abordé. Dès lors que la forme musicale coïncide avec celle du texte, son contenu s’exprimera avec une clarté majeure et sans distorsion.
Quelques considérations logogéniques
Sans vouloir réaliser une étude détaillée des procédés logogéniques utilisés par Pergolèse, ce chapitre va se concentrer sur quelques exemples tirés de la première section qui peuvent être révélateurs du thème.
Dès les premières portées du morceau, Pergolèse place musicalement le Stabat Mater dans un registre de douleur profonde exprimé par l’emploi de dissonances successives, ce qui offre un moyen efficace de décrire cette sensation. (Fig. 1)
Ce procédé avait déjà été utilisé par Carlo Gesualdo, prince de Venosa, un siècle auparavant pour faire ressortir les mots « martyrs revêches » de son madrigal Itene o miei sospiri. (Fig. 2)
Pergolèse renforce également cette idée de chagrin grâce à l’utilisation à la mesure 8 des parties pour violons 1 et 2 de croches séparées par des silences, représentant des soupirs, comme l’avait fait Gesualdo dans le madrigal mentionné ci-dessus. (Fig. 3 et 3.1)
Dans la strophe numéro 2, les cordes anticipent le texte où « alors, son âme gémissante, toute triste et toute dolente, un glaive transperça », dans les mesures 15 à 18. (Fig. 4)
Plus tard, dans les mesures 74 et suivantes et 99 et suivantes, il utilise sur le texte « pertransivit gladius » (un glaive transperça) les mêmes effets avec les notes aigues de la ligne de soprano, manifestant la douleur infligée par la blessure. (Fig. 5)
A la strophe numéro 3, la seule partie du texte à être exprimé en blanches est le mot Mater, ce qui permet de faire ressortir la piété de cette mère souffrante et affligée en face de son fils unique en train de mourir sur la croix. (Fig. 6)
Au numéro 4, avec le saut d’octave de la mélodie sur nati poenas, aux mesures 43 et suivantes et 53 et suivantes, décrit le cri de douleur de « son fils mourant sous ses yeux ». (Fig. 7)
Dans le numéro 5, les mots in tanto et dolente sont accompagnés de notes longues et le point culminant du segment in tanto suplicio est une mélodie descendante culminant dans la dominante majeure (sol). La phrase suivante Quis non posset contristari se développe autour de la même dominante mais cette fois sur un mode mineur. La section se conclut sur la question quis ? (qui ?), répétée sur des noires aux premiers et troisièmes temps, suivies de silences. Cela reprend la formule déjà utilisée au numéro 1, reprise ici pour donner une impression de tension majeure dans la question. (Fig. 8)
Le mot sur lequel est mis l’accent dans la deuxième partie de cette strophe est le mot flagelis (fouet). (Fig. 9) On observe le jeu des croches au niveau de la partie du violon, le rythme acéphale transmettant bien l’impression des claquements de fouets.
Dans le numéro 6, le dernier de cette première partie descriptive (Vidit suum), Pergolèse fait ressortir la phrase dum emisit spiritum (entregando su espíritu). Il y utilise de nouveau un procédé de silences intercalés de façon à donner l’image de l’esprit qui monte vers le ciel (fig. 10).
Mais la relation texte-musique la plus intéressante de ce passage est celle donnée par le contraste entre les phrases Vidit suum dulcem natum et morientem, desolatum. Cette différence peut s’observer dans la mélodie puisqu’elle commence par un saut de quarte et un rythme utilisant des notes pointées courtes et longues sur la première phrase (Vidit suum dulcem natum). Elle continue ensuite par un segment plus statique, qui se sert de noires et de croches en un mouvement mélodique descendant sur le texte morientem, desolatum. (Fig. 11)
Ce procédé avait déjà été utilisé par Bach.
[1] Cet article est un chapitre du livre “Oscar Escalada, Logogénesis, Editorial Barry, Buenos Aires, 2012”
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Oscar Escalada est professeur, écrivain, éditeur de musique chorale aux Etats Unis et en Allemagne, Vice Président de l’Association Argentine pour la Musique Chorale “America Cantat” et Secrétaire Général de l’Organisation America Cantat. Il a fondé les chœurs de diverses institutions nationales, provinciales et municipales dans sa ville, La Plata en Argentine. Escalada a été invité à donner des conférences, des ateliers, des séminaires, et à être jury dans son pays, aux Etats-Unis, au Venezuela, à Cuba, en Equateur, en Espagne, en Angleterre, en Grèce, en Italie, en France, au Mexique, en Allemagne et en Corée du Sud. Il a participé en tant que conférencier au 5e Symposium Mondial de Musique Chorale de Rotterdam, il a été invité aux conventions de l’ACDA (American Choral Directors Association – Association des Chefs de Chœurs Américains) de Détroit et Chicago et il a été Coordinateur de sessions de composition pendant le 9e Symposium Mondial de Musique Chorale de Puerto Madryn. Son œuvre « Tangueando » (en faisant du tango) figure dans les meilleurs ventes du catalogue de Warner/CHappell 2000-2001. Il est l’auteur des livres « Un coro en cada aula » (un chœur dans chaque salle de classe) et « Logogénesis » (Logogenèse). En 2012, il a été invité comme jury des World Choir Games de Cincinnati aux Etats-Unis et à donner un atelier à Europa Cantat à Turin en Italie.
Email: oscarescalada@mac.com
Traduit de l’espagnol par Mélanie Clériot (France)
Edited by Gillian Forlivesi Heywood, Italy