Istanbul accueille le WSCM 2023 au printemps
Située par chance dans dans la zone géographique où l’on vit chaque année quatre saisons clairement distinctes, Istanbul bénéficie d’un printemps parmi les plus colorés au monde. Bien que de fortes averses l’après-midi puissent rendre la ville grisâtre, elles sont presque toujours suivies d’arcs-en-ciel s’étendant au-dessus du détroit du Bosphore, construisant un pont coloré entre l’Orient et l’Occident. Lorsque les arcs-en-ciel s’estompent, le soleil se dirige vers l’horizon, peignant le ciel de magnifiques teintes rose et violette.
Après avoir célébré l’équinoxe en mars, la ligne d’horizon d’Istanbul connaît des jours plus longs en avril, donc davantage de temps pour s’immerger dans les couleurs exquises du coucher du soleil. Avec le croissant de lune dans le ciel nocturne, les lumières des étoiles rencontrent les lumières de la ville, répandant une couverture scintillante de reflets sur la mer de Marmara.
Ce ne sont pas seulement celles au-dessus de l’horizon qui offrent à Istanbul l’une des sources les plus colorées jamais trouvées au monde. La ville est célèbre pour ses arbres de Judée, qui fleurissent au printemps. Semblables aux fleurs japonaises de Sakura appréciées par des millions, voire des milliards de personnes, à chaque printemps les arbres de Judée étendent une bande violette impériale à travers le Bosphore en avril. Une couleur si significative que l’on a même prétendu que ces arbres avaient inspiré les vêtements royaux byzantins. Après la disparition de l’Empire byzantin de la scène historique, l’Empire ottoman est devenu associé à une autre fleur magnifique, la tulipe. On prétend qu’elles se sont propagées en Europe occidentale via Istanbul au XVIème siècle. Les tulipes s’épanouissent encore lors de printemps festifs tout autour des parcs de la ville avec toutes les couleurs possibles de la palette, du blanc au noir de jais. L’efflorescence des arbres et la multiplicité des fleurs ont également influencé l’expansion de la poésie et de la musique, un exemple idyllique étant la chanson en makam Nihâvend du compositeur du XXème siècle Arif Sami Toker sur le texte du poète de l’ère des tulipes Nedîm “Erişti nev-bahar eyyâmı, açıldı gül-i gülşen” (Ainsi sont arrivés les jours de printemps, ont fleuri les roses en rosiers).
Il est impossible d’imaginer une Istanbul colorée couverte de fleurs printanières sans des chats au pelage mousseux ronronnant et se blottissant autour des fleurs. Symboles de l’hospitalité et de l’amour pour les animaux et icônes de la culture urbaine contemporaine à Istanbul, les chats de toutes les couleurs et de toutes les tailles peuvent apparaître partout dans la ville, faisant même de glorieuses apparitions sur scène dans d’importantes réunions internationales et des concerts d’ensembles de renommée mondiale. L’expérience féline dans la ville permet de comprendre plus facilement comment ces félins ont continué à inspirer des compositeurs de Scarlatti à Stravinsky, et à quel point il est difficile de se produire sur scène dans des vêtements noirs, qui se couvrent facilement de poils de chat colorés. Ils pourraient tout aussi bien être l’une des raisons pour lesquelles les chœurs passent progressivement d’un code vestimentaire entièrement noir à une mise en scène polychromatique plus vive.
Les vues kaléidoscopiques d’Istanbul au printemps en font le moment idéal pour tenir le WSCM 2023. La mission d’inclusion fait référence à toutes les différentes couleurs des traditions musicales du monde entier, et Istanbul est ravie d’accueillir des chœurs de nombreuses traditions différentes et des chefs de chœur d’horizons divers pendant cette période colorée de l’année. Centre culturel de nombreux États et Empires différents à travers l’histoire, Istanbul a toujours été témoin de la coexistence de différentes cultures musicales.
Les mosquées côtoyant les églises orthodoxes mêlaient différentes musicalités religieuses, le chant monophonique et micro-tonal de la musique traditionnelle partageait la même scène que la polyphonie occidentale, les compositeurs inspirés par les micro-tons de la Méditerranée orientale et la tonalité de l’Europe occidentale donnaient vie à des phrases musicales inoubliables, les citadins étaient fiers du festival des bois dédié à la clarinette à quelques années seulement du festival kanuncélébrant l’héritage musical moyen-oriental.
Enfin et surtout, la ville est devenue un centre d’appréciation de la musique chorale, où des chœurs de styles et d’horizons musicaux différents se produisent en harmonie : allant de la musique folklorique turque aux sharagans arméniens, du jazz à la musique ancienne, des chœurs d’hommes byzantins aux chœurs de femmes, dans tous les niveaux de professionnalisme et tous les groupes d’âge, la scène musicale chorale d’Istanbul est aussi colorée que ses printemps.
Avec l’idéal d’intégration et d’inclusion du WSCM, Istanbul offre le meilleur terrain de conversation, d’appréciation culturelle et de collaboration où les ensembles et les amateurs de musique chorale du monde entier peuvent se réunir et non seulement profiter de la scène musicale, mais aussi élargir leur horizon en partageant leurs propres couleurs les unes avec les autres. Maintenant, le temps de reconnaître la beauté du chant choral approche, place à la fanfare des couleurs printanières d’Istanbul!
Nevin Şahin est une interprète, compositrice et chercheuse primée en musique maqâm, actuellement professeure adjointe de théorie musicale au Conservatoire d’État d’Ankara de l’Université Hacettepe. Outre son travail académique, elle intervient sur la scène de la musique chorale turque en tant que chanteuse dans des chœurs monophoniques et polyphoniques.
Traduit de l’anglais par Barbara Pissane, relu par Jean Payon