Étudier la direction chorale à travers le monde: Afrique, Afrique du Sud
Rudolf de Beer, professeur et chef de chœur, membre du Conseil de la FIMC
Traduit de l’anglais par Barbara Pissane (France)
Relectures effectuées par Jean Payon (Belgique)
Comme dans toutes les cultures antiques, en Afrique, la musique, la danse, et le chant (pratiqués en solo ou en groupe) ont toujours fait partie de la vie quotidienne. C’est avec la colonisation que la tradition du chant a changé et qu’une forme plus structurée de chant en groupe, de chant en chœur, est devenue une part essentielle des activités culturelles sur ce continent. Le rôle prépondérant joué par l’église dans ce processus peut s’observer au travers des nombreux chœurs d’église qui existent aujourd’hui encore. Les fondements établis par les missionnaires grâce à l’enseignement aux Africains christianisés de chant et hymnes européens ont constitué le début du chœur à quatre voix par des groupes non-européens. On peut considérer ceci comme le premier “ enseignement” de chant choral dans cette partie du globe.
En Afrique du Sud, cette tradition s’est développée en devenant une union entre les cultures africaines et européennes, chacune restant solidement attachée à ses racines tout en assimilant certains aspects de l’autre. Suivant la tradition britannique, les concours devinrent une des activités principales de la vie chorale en Afrique du Sud. Beaucoup de participants ont ensuite intégré des formations de chefs de chœur.
De nombreux établissements d’enseignement, depuis les écoles jusqu’aux universités en passant par les lycées, ont également accueilli des chœurs parmi les meilleurs du pays. Ceci s’est concrétisé une nouvelle fois par l’émergence de cours de chant choral dans certains de ces établissements, même si la plupart étaient inclus dans l’enseignement général de musique dans le cas des plus anciennes universités où l’on parlait l’afrikaner. Des chefs de ces chœurs sont allés en Europe pour étudier la direction chorale. C’est le cas, par exemple, de Philip MacLahlan, qui était maître de conférences et chef de chœur à l’université de Stellenbosch et est allé en Allemagne suivre l’enseignement de Kurt Thomas.
En Afrique du Sud, les universités anglophones suivirent la voie du Royaume-Uni dans ses cours de musique. Cela s’est traduit aussi, pour la plupart des enseignements de théorie musicale et d’instruments, par l’importation des systèmes d’évaluation par niveau tels que pratiqués dans les Royal Schools et Trinity. La communauté des Afrikaners a établi son propre système d’examen démocratique à Univeristy of South Africa (l’université de l’Afrique du Sud) (UNISA) Tous ces systèmes d’examens par niveaux ont inclus par la suite des examens pour les chœurs et les chefs, sans toutefois la possibilité, pour les candidats, de suivre une formation formelle en technique de direction. Comme dans les autres disciplines, ces chefs devaient trouver des professeurs privés.
Philip McLachlan and his wife Helen Radloff, en 1944
Les chœurs européens et africains ont organisé des rassemblements pour les chœurs et/ou les chefs. Cependant, les chœurs africains se sont focalisés sur les concours tandis que les groupes européens se sont concentrés sur des colloques et des ateliers tels que les rassemblements nationaux réguliers de la South Africain Choral Organisation (l’organisation chorale sud-africaine). L’Église, cependant, a toujours joué un rôle important dans l’essor de la tradition chorale et de l’éducation des musiciens choraux. Les musiciens de l’Église Anglicane ont été formés dans la tradition anglaise, comportant la formation de chef de chœur. Cette tradition est toujours très importante en Afrique du Sud.
Même avant les premières élections démocratiques en Afrique du Sud, beaucoup de chœurs et chefs de chœurs ont voyagé à l’étranger lors de tournées, ou pour participer à des concours. Ces chefs se sont également inscrits aux cours, aux ateliers, et aux master-classes dans de nombreux festivals et colloques. La demande pour la formation technique des chefs de chœur est devenue de plus en plus grande. Une raison en était qu’un chœur “moyen” ne pourrait pas concurrencer beaucoup d’autres chœurs en Europe par exemple, où l’enseignement pour les musiciens choraux était déjà plus établi.
Ce n’est cependant pas avant 1994 qu’un tournant important dans l’objectif de la formation des chefs de chœurs eut lieu lorsque les universités ont commencé à intensifier leurs programmes d’études afin d’instruire plus largement de futurs chefs de chœur. Après le changement politique en Afrique du Sud, le premier chœur scandinave à visiter le pays après un long boycott culturel fut la Schola Cantorum de l’université d’Oslo. Son chef, Kåre Hanken, qui était également secrétaire général de l’Association des chœurs norvégiens, a convaincu cet organisme de trouver des moyens pour soutenir la nouvelle démocratie, en premier lieu de créer pour tous les Sud-Africains une organisation chorale nationale, et ensuite pour instruire les chefs de chœur. Le gouvernement norvégien a soutenu financièrement ces efforts, et contribué à un financement supplémentaire pour établir des cours scolaires en Afrique du Sud. Ces fonds ont été utilisés pour démarrer des cours à la Nelson Mandela Metropolitan University, et Hanken fut le premier maître de conférences de ces cours. D’autres universités ont commencé à établir leurs propres cours, dont les universités de Pretoria, de Kwazulu Natal, de Bloemfontein, et de Stellenbosch sont des exemples.
Des cours informels, liés aux concours et aux festivals, se sont également développés pour instruire des chefs de chœur dans différents aspects allant de l’analyse, de la préparation et de l’interprétation de partition, à la direction et aux techniques de chant. Parmi eux on trouve le Festival national de chœur sponsorisé par Old Mutual, et la compétition chorale de “Animato” de l’ATKV (Association pour la langue et la culture afrikaans). Cependant, ces cours se concentrent sur la musique imposée pour chaque concours ou festival, et pas directement sur la technique de direction proprement dite.
Aujourd’hui il est possible d’étudier la direction chorale soit en tant qu’élément des cours de certificat ou de diplôme, soit en tant qu’élément formel de programmes de classes dans de nombreuses institutions d’enseignement supérieur à travers le pays. A l’université de Stellenbosch, il est même possible de choisir la direction de chœur comme matière principale à la place d’un instrument.
Tous les cours ne comportent pas un enseignement complet pour les chefs de chœur, et les futurs étudiants doivent trouver les informations correctes dans les brochures de l’université, par exemple. Le panel d’aspects enseignés dans les modules d’enseignement choral comporte les compétences orales, la technique de chant et le chant en groupe, le déchiffrage, l’harmonie, la musique d’église, les gestes de direction chorale, l’histoire et la didactique de la formation chorale, et l’histoire ainsi que la théorie de la musique. Bien que quelques universités n’abordent que certains de ces aspects, d’autres instruisent les étudiants de façon intensive dans toutes ces disciplines, afin de former des étudiants musiciens et chefs de chœurs complets.
Rudolf de Beer est chantre dans le Steinkjer et Egge Churches (Norvège), chef du Steinkjer Chamber Choir, d’un chœur gospel, d’un chœur d’hommes, d’un chœur d’enfants (chants d’église), et du chœur de Trønder. Originaire d’Afrique du Sud, il a précédemment dirigé, entre autres, le Potchefstroom Chamber Choir, le chœur d’enfants North West Children’s Choir, le chœur de garçons Drakensberg, le chœur national des jeunes d’Afrique du Sud, le chœur de chambre national Excelda (projet des Jeunesses Musicales d’Afrique du Sud), le chœur Tygerberg de la ville de Mecer, l’ensemble vocal masculin de Stellenbosch. Avant de partir en Norvège, il était professeur de direction de chœur, chef du Département d’éducation musicale et directeur artistique de la Schola Cantorum au département de musique de l’université de Stellenbosch, en Afrique du Sud. Il a étudié à l’université de Potchefstroom, et a obtenu son Master en direction de chœur et musicologie/éducation musicale à l’université d’Oslo. Il a reçu son DMus dans la même discipline, grâce à un partenariat entre la Nelson Mandela Metropolitan University de Port Elizabeth et le Conservatoire National d’Oslo. Il a ensuite publié des articles de recherche et composé de la musique pour chorale dont une partie a été éditée par Hal Leonard (États-Unis), Norsk Musikforlag, et Cambridge University Press (Royaume Uni). Courriel : rdbifcm@gmail.com