Programme choral universitaire 'L’esprit chantera par ma race'

Par Ana Patricia Carbajal Córdova, Educatrice musicale, chef de chœur et promotrice culturelle

À l’Université nationale autonome de México, une des plus anciennes d’Amérique, nous avons une devise qui nous identifie: “por mi raza hablará el espíritu (L’esprit parlera par ma race), de José Vasconcelos qui en fut le recteur en 1920. Cette devise révèle la vocation humaniste qui a présidé à la fondation de notre Alma Mater. Aujourd’hui, au bout d’un long chemin parcouru, les membres du Programme choral universitaire reprennent cette phrase en disant: “L’esprit chantera par ma race.

Comme dans toutes les histoires, le temps doit courir pour garder le rythme du déroulement et de la croissance. La création de chœurs à l’UNAM commença en 1964 et dura environ huit ans avant la perte d’intérêt pour la continuité du projet. Heureusement, en 1997, cette initiative fut reprise, et les chœurs qui existaient isolément au sein de l’Université furent invités à faire partie de ce nouveau programme.

La tâche d’informer et de convaincre les autorités de diverses écoles et facultés de l’enrichissement que représente cette activité dans la formation des étudiants reste ardue. En dépit de tout ce qui a été étudié et écrit sur les bénéfices de la pratique musicale en général et de la pratique chorale en particulier, dans la majorité des espaces académiques, les autorités pensent qu’il n’y a pas de temps pour ce type d’activités, et à propos des multiples bénéfices que peut retirer la formation humaine de la pratique chorale, la résistance propice à l’ignorance demeure. Sans compter que le chant choral ne coûte pas cher, si l’on pense qu’il suffit d’une personne bien préparée en face du groupe pour que cela commence à fonctionner.

Les chœurs universitaires sont des espaces où les étudiants apprennent à regarder le monde de manière plus complète, diverse et inclusive. Grâce à eux, ils ont accès à des perspectives qui leur permettent de s’enrichir comme individus. La vie sensible et émotionnelle de l’être humain est aussi une composante de sa formation et de son éducation, non seulement pour son propre bénéfice mais aussi pour celui de la société où il vit. La musique, en tant que langage préverbal et émotionnel, contribue à la formation de la sensibilité de la personne, un élément très important dans la construction d’une vie saine. Je suis persuadée que ce n’est pas une question exclusivement économique.

Malheureusement, j’observe qu’il y a un lien avec la pauvreté et l’ignorance. Valoriser l’intangible nous coûte du travail. La recherche du bien-être économique est une course sans fin, nous oublions facilement que le bien-être commun se construit et nous inclut tous.

C’est pour cela que le Programme choral universitaire est une chose de grande valeur que nous devons continuer à entretenir et à promouvoir, nous y travaillons depuis plus de 17 ans et chaque jour ce programme gagne en pertinence au sein de l’UNAM.

La mission du Département de Diffusion Culturelle dont dépend directement la Direction Générale de la musique est la suivante:

“Promouvoir la création dans les différentes terrains de l’art, et diffuser les expressions culturelles et artistiques dans tous les genres, de même que les connaissances scientifiques, technologiques et humanistes qui se développent à l’Université, pour enrichir la formation des élèves, bénéficier le plus amplement possible à toute la société mexicaine et renforcer l’identité nationale”.[http://www.cultura.unam.mx/secciones/QuiènesSomos] consulté le 10 août 2015.

J’ai eu l’honneur de coordonner le Programme choral universitaire depuis 2002 et grâce à cette chance, j’ai pu constituer une équipe de travail formée de musiciens engagés dans l’enseignement et disposés à travailler avec leurs chœurs en donnant de l’espace à la créativité, en cultivant l’émotion d’unir les volontés, et en créant des espaces qui génèrent de l’identité. Dans l’équipe de travail du Programme choral universitaire, nous partageons et nous encourageons des valeurs importantes pour vivre ensemble et construire en paix avec les autres.

Dans un Mexique plein de contrastes, qui vit des situations extrêmes et difficiles, un outil comme le PCU doit être exploité au maximum. Nos jeunes ont besoin d’espaces d’expression qui leur permettent de communiquer avec d’autres et de sortir de l’univers absorbant de la cybernétique, des drogues, de l’alcool et de la sensation de vide devant un monde qui peut leur sembler très hostile si nous ne leur montrons pas d’alternative.

Le Programme choral universitaire transforme les vies et promeut le respect que mérite la pratique chorale de qualité, si simple qu’elle soit. Notre travail consiste à montrer aux aspirants choristes la beauté d’une simple mélodie entonnée adéquatement en équipe, à les faire participer à l’expérience de vibration collective et à faire que cette énergie collective arrive jusqu’à un public chaque fois plus nombreux, favorisant ainsi la création d’un public.

Ce n’est pas une tâche simple que de réussir à intéresser les personnes à chanter dans un chœur. Cette activité est pratiquement méconnue par la majorité de la population. Promouvoir, diffuser et divulguer l’activité chorale a été une grande partie de mon travail, non seulement sur le front du Programme choral, mais aussi depuis plus de 25 ans avec Voce in Tempore A. C., association créée fondamentalement dans ce but.

CWN_Music_project_Mexico_picture_1Le Programme choral universitaire comporte aujourd’hui treize groupes vocaux qui totalisent environ 350 choristes, toute personne de la communauté universitaire peut entrer dans le chœur de sa préférence, et nous avons des espaces pour des personnes externes qui souhaitent participer et s’adapter aux conditions de répétition. Les choristes sont des étudiants, des professeurs, des administrateurs, des collaborateurs de l’intendance et des étudiants post grade ou du système ouvert. La gamme est très vaste et si l’on tient compte du fait que le nombre d’étudiants inscrits au cycle 2014-2015 était de 342 542, nous pouvons affirmer que nous avons du pain sur la planche.

Les chœurs qui existent actuellement sont ceux de la Faculté des sciences, dir. Eduardo Hernández, Faculté des sciences politiques et sociales, dir. Rodrigo Castañeda, Faculté de comptabilité et administration, dir. Edgar Domínguez, Faculté de droit, dir. Gabriela Díaz et Ivet Guillén, Faculté de philosophie et lettres, dir. Enrique Galindo, Faculté d’ingénierie, dir. Óscar Herrera, École Nationale de travail social, dir. Claudia Salgado, Faculté d’études supérieures Acatlán, dir. Raúl Vázquez, Faculté d’études supérieures Aragón, dir. Arturo Salvadores, Faculté d’études supérieures Iztacala, dir. Luis A. Manzano, Faculté d’études supérieures Zaragoza, dir. Arturo Salvadores, et “Voces del CELE” (Centre d’enseignement des langues étrangères), dir. Gabriela Franco.

Prochainement, nous formerons le chœur de la Faculté d’études supérieures Cuautitlán.

En général, les chœurs répètent entre quatre et six heures par semaine. Le Programme compte des professeurs de technique vocale qui évaluent les chefs de chœur et travaillent avec les chœurs. Nous avons aussi deux pianistes qui aident les chœurs et accompagnent les œuvres qui ont besoin d’être renforcées ou qui sont écrites à l’origine pour chœur et piano.

Les chœurs, suivant leur niveau musical, donnent des concerts dans leur lieu d’origine et participent à des présentations en dehors de l’Université. Chaque semestre, nous organisons des rencontres pour travailler avec tous les choristes dans divers locaux universitaires, dans le but de favoriser l’écoute mutuelle, l’échange et la diffusion de cette activité.

J’ai eu le privilège de pouvoir compter sur l’appui de grands directeurs qui partagent l’idéal du PCU et qui n’hésitent pas à travailler avec les choristes et avec les chefs.

Mon travail de coordinatrice consiste à organiser les chœurs, les chefs et les professeurs. Parler avec les directions des écoles et des facultés pour qu’elles permettent et appuient la croissance des groupes. Justifier et montrer les avancées du Programme à la Direction générale de la musique et de la diffusion culturelle pour que le budget augmente et, surtout, pour que cette activité reste pertinente au sein de l’UNAM. Finalement, le PCU a réussi à se faire une position spéciale grâce à son statut d’activité de la Direction générale de la musique qui bénéficie directement à la communauté universitaire.

J’ai de la chance de travailler pour ce programme, et le désir, au moyen de cet article, de promouvoir les liens du PCU avec des personnes et institutions intéressées à partager des expériences similaires. Nous avons beaucoup à apprendre et un long chemin à faire. La musique est notre viatique.

Nous continuons à travailler pour que, à l’Université Nationale Autonome de Mexico, la communauté puisse unir ses voix, gagner en dignité grâce à l’art et promouvoir des espaces créatifs où se pratique la générosité, l’esprit de progrès, où se cultive l’amitié dans des lieux d’expression qui laisseront leur trace en ceux qui la vivent, qui l’écoutent et par conséquent dans notre société. Nous ne pouvons pas éluder la grande responsabilité de nous engager en faveur de la musique chorale et de ce qu’elle signifie pour la formation humaine.

 

Ana Patricia Carbajal Córdova, éducatrice musicale, chef de chœur et promotrice culturelle. En 1989, elle fonde l’Ensemble choral Voce in Tempore dans le but de créer un espace artistique pour les fans de chant choral, puis l’association civile de même nom pour promouvoir, diffuser et professionnaliser la musique chorale. Elle dirige le chœur de l’émission radiophonique Música EnCantada diffusée depuis 17 ans. Elle a organisé divers festivals, rencontres, ateliers et activités pour renforcer le progrès du mouvement choral au Méxique, a participé à divers programmes de radio, de télévision et reçu des distinctions, des prix et des bourses nationales et étrangères. Elle a travaillé avec le compositeur anglais John Rutter, avec New York Choral Society, et des chefs réputés de renommée internationale. Courriel: voceintempore@yahoo.com

 

Traduit de l’espagnol par Sylvia Bresson (Suisse)