Mettre en voix le chœur avant de chanter
Carmen Moreno, professeure de chant et chef de chœur
Traduit de l’espagnol par Sylvia Bresson (Suisse)
La mise en voix n’est rien d’autre qu’une série d’exercices de divers intervalles que nous effectuons afin d’acquérir la compréhension des mouvements stratégiques de : tomber de mâchoire, lèvres, comissures des lèvres, placement du son et respiration, désignés conjointement par le terme de “technique vocale“, que nous appliquerons aux intervalles que nous rencontrerons dans l’œuvre que nous allons chanter. La position de la bouche quelques secondes avant de commencer l’exercice est très importante:
Pourquoi faut-il faire des vocalises ? Pour que les muscles soient énergisés et acquièrent la tonicité idéale pour chanter. Les muscles ont besoin d’énergie pour effectuer leurs mouvements. Au niveau biochimique, cette énergie provient de l’ATP (adénosine triphosphate), produite par le métabolisme des hydrates de carbone et des lipides. Les exercices d’échauffement vocal activent le métabolisme musculaire pour obtenir de l’énergie de l’ATP. Cet ATP est hydrolysé par une enzyme pour entraîner le déplacement de l’actine qui donne lieu au début du mouvement musculaire. Cette hydrolyse de l’ATP produit de la chaleur (énergie thermique), qui réchauffe la musculature du cou, du visage, du larynx et du pharynx, augmentant ainsi la vitesse de ses mouvements pour chanter. C’est ainsi que s’acquièrent la tonicité et l’efficience mécanique musculaires pour chanter, raison pour laquelle les amateurs parlent “d’échauffement” en se référant à l’exercice vocal ou mise en voix. La musculature acquiert la tonicité adéquate pour chanter n’importe quel intervalle. Le chef de chœur doit posséder une série d’exercices sélectionnés au préalable, commencer la vocalise par un exercice d’intervalles courts (de seconde par exemple) et augmenter l’amplitude par demi-tons jusqu’à une hauteur prudente pour chacune des voix (sopranos, altos etc.), puis redescendre jusqu’à l’accord initial de l’exercice de chaque voix. De plus, il doit expliquer le but de l’exercice, demontrer comment il se réalise et corriger en particulier ou en général les erreurs qu’il observe pendant l’exécution.
Fig.2 Exercice de mise en voix : intervalles de seconde
La sélection de la hauteur de l’accord initial de l’exercice est une décision que le chef doit prendre en fonction des voix. Il doit continuer la mise en voix par un exercice d’intervalles de tierce. De cette manière, la musculature impliquée se prépare progressivement. Il n’est pas recommandé de commencer la mise en voix par un exercice d’intervalles importants. Un effort, du fait de l’intensité élevée d’un son sans que la musculature du pharynx et du larynx soit préparée, peut provoquer des micro-ruptures dans les fibres musculaires, et en cas de réitérations, entraîner une lésion beaucoup plus grave. La vocalise se poursuivra donc par des exercices d’intervalles de quarte et quinte etc. jusqu’aux saut d’octaves et aux arpèges. La mise en voix doit durer au moins 30 minutes et un exercice peut se refaire si le chef le juge nécesaire pour faciliter la compréhension d’un intervalle de l’œuvre. C’est le moment de réaliser des exercices de mise en voix qui facilitent la solution de difficultés possibles d’émission du son à certains intervalles de l’œuvre musicale à étudier. En ce sens, le chef de chœur aura étudié au préalable la partition de l’œuvre et analysé les intervalles possibles et les difficultés pour le chœur. On peut très bien commencer l’étude d’une œuvre par la mesure que l’on veut, pourvu que l’on ait préparé un exercice de mise en voix qui aide à résoudre l’éventuel problème d’exécution de la phrase contenant le ou les intervalles difficiles.
Un exemple simple: si le chef observe ou prévoit une difficulté à la mesure 7 de l’œuvre : Non Nobis
Il doit alors réaliser un exercice de mise en voix avec sauts d’octave :
L’exercice de mise en voix doit dépasser si possible la hauteur de l’intervalle à chanter dans la partition.
Durant la mise en voix, la musculature du visage, du cou et du larynx synchronisent leurs mouvements et mémorisent la physiologie de réalisation d’un intervalle, tout comme le font les mains d’un pianiste. De telle manière que chanter signifie appliquer cette aptitude acquise pendant la mise en voix. L’interprétation est une autre chose, il s’agit de colorer par le style etc., mais la base technique est toujours la même. C’est un peu comme le travail d’un architecte ; il peut dessiner comme il veut, mais les fondations et les colonnes doivent être en relation avec la gravité terrestre, comme dans toute construction, qui sinon s’écroulerait.
Deux conseils intéressants:
1-Si la phrase mélodique commence par une voyelle ou une consonne telle que K ou C sur une note aiguë, la position de la bouche doit être :
La première note de la phrase sera bien placée, la phrase se maintiendra et le placement sera correct.
2.- Si la phrase mélodique commence par une consonne telle que n, m, p, g, etc. sur une note aigue, la position de la bouche doit être :
Une fois la consonne émise, dans cette position, laisser tomber la mâchoire immédiatement comme sur l’image précédente pour émettre la voyelle. Si la consonne est bien placée, la phrase ne tombera pas et se maintiendra.
Dans les deux cas la mâchoire avance.
Le/la chef de chœur doit accorder beaucoup d’importance à la mise en voix. Une vocalise bien faite lui économisera du temps de répétiton, lui offrira de l’efficacité dans l’aprentissage et de la sécurité pour le chœur, des résultats optimaux aux concerts et de plus, lui ouvrira des perspectives de travail qui favoriseront le progrès musical du groupe et de sa propre qualité professionnelle.
Soprano lyrique-légère, Carmen Moreno est née à Cumaná, au Venezuela, et vit à Barcelona. Elle a fait ses études musicales à la Escuela de Música Gómez Cardiel de Cumaná (sa ville natale), au Conservatorio Juan José Landaeta de Caracas, au Conservatorio Superior Profesional de Música de Badalona (Espagne) et au Conservatorio del Liceu de Barcelona. Son activité pédagogique d’enseignement de la technique vocale et de la direction chorale a été intense et parallèle à celle de concertiste. Elle a été directrice musicale de: Lope de Aguirre Traidor de Sanchos Sinistierra sous la direction théâtrale de Karel Mena, Animalmusic Coproduction du Festival de verano de Barcelona Grec 2003 et La Korbata, Cançó d’Amor i de Guerra de Martínez Valls. María Moñitos, comédie musicale cubaine, dirigée par Alejandra Egido. Elle a publié un livre : Mi Técnica Vocal Paso a Paso, aux éditions Balam, 2013, et plusieurs articles sur la musique dans la revue en ligne ArtsEduca. Elle a donné des ateliers de technique vocale à des chœurs de chambre, des conférences sur le chant, sa technique, le soliste et le chœur à l’Aula Universitaria del Baix Guinardó et à la Biblioteca Clarà de Barcelona. Elle est invitée comme membre du jury de festivals internationaux en Pologne (International Krakow Choir Festival and International Warsaw Choir festival) et en Angleterre (international Goleen Nightingale Choir Festival). Actuellement, elle écrit des articles pour la revue musicale ArtsEduca, donne des récitals de musique ancienne, est professeure de chant à la Escuela Estudi Musical, et dirige la Coral Esperit Cantaire et le Coro de Cámara Cantoría Requinto. Courriel: sopranosun@yahoo.es