Par Andrea Angelini, Rédacteur en chef de la FIMC et chef de chœur
Première question qui nous vient à l’esprit lorsque l’on rencontre Branko Starc : bon sang, comment cet homme, ce musicien éclectique, a-t-il fait pour créer et organiser un symposium de musique chorale de façon aussi professionnelle ? Nous savons tous que les temps difficiles que nous vivons actuellement n’aident absolument pas les manifestations artistiques, et particulièrement les manifestations ayant trait à la musique : il y a tant d’évènements sont programmés puis annulés par manque de soutien financier. Mais Branko est un visionnaire ! Sa passion et sa volonté lui ont permis de créer une arme redoutable contre laquelle le spectre de la crise ne peut rien.
Me voici à Zagreb pour assister aux trois jours de « full immersion »[1] que sont l’Ars Choralis, une belle locution latine pour définir la forme artistique qui nous est si chère : j’y assiste en tant que spectateur, mais également pour y jouer un rôle actif en tant que représentant de la FIMC ainsi qu’animateur d’une session sur la « Musique chorale dans la Venise de la Renaissance ».
Zagreb est une ville qui vous touche immédiatement ! Sa population est en grande partie composée de jeunes : probablement à cause de sa célèbre Université ou du fait que, comme cela arrive fréquemment dans les nouveaux pays de l’ancien « bloc communiste », les modes de vie varient beaucoup entre la capitale et les campagnes. La ville a conservé quelques monuments significatifs, concentrés surtout dans la partie haute, où une belle cathédrale gothique (mais remaniée par la suite) domine, austère, le paysage alentour. A côté de la cathédrale se dresse un ensemble d’ateliers appartenant à l’évêché : pour faire court il s’agit de logements flambants neufs destinés aux étudiants en théologie qui peuvent se transformer, selon le cas, en un confortable hôtel muni de tous les services nécessaires à un congrès, comme par exemple une salle de conférence dotée de toutes les technologies nécessaires. C’est justement dans cette salle que se sont rencontrés les nombreux musiciens du monde entier venus à Zagreb pour participer au symposium. Bien, chers lecteurs, comme vous devez tous être en train de vous dire « Alors il va commencer à le raconter ce symposium ? », je ne m’étends pas davantage et je rentre dans le vif du sujet, la substantifique moelle…
Avant toute chose il convient de souligner que la manifestation a été dédiée à deux illustres musiciens croates disparus en 2011 : Dinko Fio[2] et Ljubo Stipisic Delmata[3]. Tirant leur origine d’un nationalisme musical dont les Croates sont traditionnellement fiers, les journées se sont articulées autour de nombreux thèmes, tous relatifs à la musique chorale : la pédagogie vocale, la direction de chœur, l’art du chant, l’interprétation, la composition, l’analyse, la musique sacrée, la technologie appliquée à la musique, l’oreille musicale, les aspects historiques, etc. Chaque thème a été traité par un expert sous la forme d’une conférence ou d’une master class. Parmi les si nombreux collègues qui ont afflué à cette occasion je voudrais citer Thomas Caplin (Suède/Norvège), Christian Herbst (Autriche), Ursula Geisler (Suède), John Hopper (Canada), Harald Jers (Allemagne), Gabor Moczar (Hongrie), Martini Spiritova (République tchèque), Johan Sundberg (Suède), Jennifer Tham (Singapour), Jonathan Velasco (Philippines), Suzana Turku (Albanie). Cette liste devrait naturellement être complétée par d’autres nombreux experts illustres venus de Croatie ou d’autres pays, que je ne peux pas citer uniquement par manque de place. Pour une liste détaillée des évènements et des spécialistes je suggère de consulter le site web du symposium sur www.hur.hr ou www.choralcroatia.com. Il est plaisant de constater comment Ars Choralis 2012 a su être l’interface avec les plus hautes instances représentatives de la musique chorale au niveau international comme ECA European Choral Association – Europa Cantat et la Fédération Internationale pour la Musique Chorale. Il aurait été intéressant de constater également la présence plus marquée d’autres organisations chorales officielles croates mais comme chacun sait « nul n’est prophète en son pays ».
Un évènement particulièrement agréable durant les journées du symposium a été le concert offert aux participants et à la ville par certains chœurs locaux et le formidable ensemble vocal Nordic Blue sous la coordination artistique de Thomas Caplin. Le concert s’est conclu par un Branko Starc « funambule » qui a réussi, tout en restant assis derrière son piano, à faire chanter l’hymne du Symposium (« We move the world ») à l’ensemble des chœurs présents ainsi qu’au public.
Les membres de l’équipe de Branko Starc, Bojan Pogrmilović, Ivana Jaklin, Tomislav Čekolj, Snežana Ponoš et beaucoup d’autres, ont été appelés sur scène à la fin de la manifestation afin de recevoir des applaudissements mérités et d’êtres félicités pour leur engagement d’avoir assuré une organisation parfaite de l’évènement. Un chaleureux remerciement leur est adressé à tous pour l’énergie dépensée dans le soutien de cette initiative indispensable afin d’assurer la continuation d’ars choralis dans le sens le plus large de sa définition. Rendez-vous lors de la prochaine édition en avril 2014 !
[1] NdT : Immersion totale
[2] Dinko Fio (1924-2011), compositeur croate, voir http://goo.gl/uLUYI
[3] Ljubo Stipisic Delmata (1938-2011), compositeur croate, voir http://goo.gl/k2rwy
Andrea Angelini est diplômé en piano et direction de chœur. Il mène une vie artistique et professionnelle intense à la tête de plusieurs chœurs et ensembles de musique de chambre. Il a employé son expertise particulière dans le domaine de la musique Renaissance pour offrir des stages et des conférences dans le monde entier. Il est fréquemment invité en tant que juré dans les concours choraux les plus importants. Aux côtés Peter Phillips il a enseigné pendant des années aux Cours Internationaux pour Choristes et Chefs de Chœurs de Rimini. Il est le directeur artistique du festival choral Voce Nei Chiostri et du Concours International Choral de Rimini. Depuis 2009, il intervient également en tant que rédacteur en chef de l’ICB. En tant que compositeur, certaines de ses œuvres ont été publiées chez Gelber-Hund, Eurarte, Canticanova et Ferrimontana. Courriel : aangelini@ifcm.net
Traduit de l’italien par Barbara Pissane (France) relu par Sylvia Bresson (Suisse)
Edited by Gillian Forlivesi Heywood, Italy