La Voix Féminine Est-elle en Train de Devenir Plus Masculine[1] ?
Par Walter Marzilli, chef de chœur et enseignant
Il y a de cela quelques siècles en arrière, dans ce qu’on l’on pourrait s’amuser à appeler l’histoire de la transformation humaine, un phénomène remarquable est apparu. Même s’il ne concernait apparemment que le domaine de la musique, ce phénomène était appelé à produire des répercussions à la fois sociales et éthiques. Au 16ème siècle beaucoup de jeunes garçons ont été castrés afin de créer une nouvelle race d’anges asexués dotés de voix célestes et bénies des Dieux. D’un point de vue strictement physiologique, ce processus impliquait une opération sur les testicules du garçon avant qu’ils ne commencent à sécréter de la testostérone. En temps normal, l’action de cette hormone conduirait à la maturité sexuelle, et son autre caractéristique à connotation sexuelle affecterait le larynx, en changeant la voix. Du fait de la diffusion de l’hormone dans son corps, le chanteur ne serait plus en mesure de monter dans les aigus. Sa voix descendrait rapidement d’une octave, pour rejoindre les trois catégories de voix masculines : basse, baryton ou ténor. Si l’intervention radicale mentionnée ci-dessus n’avait pas lieu, ces changements se produiraient pendant une période de quelques années, et pourraient se poursuivre par une période de stabilisation et d’appropriation de cette nouvelle voix masculine, cette fois. Les doigts experts du chirurgien interrompaient cette longue attente[2], en donnant cependant une texture à consonance féminine à la voix du garçon sans la mettre en danger[3]. Pour le meilleur ou pour le pire, la voix du chanteur conserverait ses caractéristiques tout au long de sa vie.
Beaucoup de ces enfants étaient issus des couches sociales les plus défavorisées, souvent les derniers nés de familles nombreuses ayant de très sérieuses difficultés financières ; leur castration représentait un espoir de richesse dans les yeux de certains parents sans scrupule. C’est pour cette raison, ainsi qu’à cause des offres alléchantes faites par les chœurs de cours et les chœurs d’église, que cette pratique cruelle a continué pendant près de quatre siècles[4]. Le but était purement esthétique : créer un nouveau type de voix qui dépasseraient largement celle des falsettos très nombreux à cette époque (hommes qui n’avaient pas subi ce type d’intervention et qui imitaient simplement la voix de femme ; falsetto vient du mot italien falsare, signifiant “modifier ou altérer”).
C’est un fait bien connu que les femmes, quand on ne leur interdisait pas purement et simplement de le faire, rencontraient de grosses difficultés à chaque fois qu’elles essayaient de se produire sur scène[5], même dans les chœurs d’église. Une voix d’enfant, même si elle possède une texture et des caractéristiques spécifiques, pouvait parfois être utilisée pour remplacer la voix d’une femme. C’était un moyen de contourner les obstacles liés à l’ordre social préétabli, contre lequel chaque femme souhaitant poursuivre une carrière artistique de chanteuse était sûre de se heurter. Mais le remplacement des femmes par des enfants, bien qu’il résolve beaucoup de problèmes, en créait autant d’autres. Ces problèmes étaient liés à plusieurs facteurs, parmi lesquels la stature physique (surtout pour ce qui est du théâtre) la confiance professionnelle et le fait qu’une voix d’enfant ne durerait que jusqu’à la puberté, ce qui signifiait qu’il y avait une demande constante de former de nouveaux enfants. Bref, il était nécessaire de trouver une substitution aussi convaincante que possible à la voix de femme, tout en résolvant les problèmes mentionnés plus haut. La solution qui en découlait était la castration. Afin d’obtenir l’illusion d’une voix de femme dans un corps d’homme, qui avait aussi l’avantage de ne pas aller à l’encontre des conventions sociales, les amateurs d’opéra et de musique chorale de l’époque étaient prêts à passer à côté de certaines défauts. Par exemple, l’un des nuove cantanti ou “nouveaux chanteurs” jouant le rôle de la personne malade d’amour, la princesse, à cause de sa condition physique inhabituelle, pouvait dépasser d’une tête ses collègues et peser environ 100 kg[6].
Cette brève introduction devrait permettre de suffisamment illustrer à quel point la ‘sonorité’ de la voix humaine a été importante au cours de l’histoire. Presque toute les situations, qu’il s’agisse d’une priorité psychologique ou sociale, ont recours à une certaine forme d’accompagnement vocal. Inutile de dresser une liste sans fin des occasions où les gens changent leur voix, selon les changements d’époque, de lieu ou simplement la façon de l’utiliser. La voix fait partie intégrante de notre corps au même titre que nos bras ou nos jambes, mais en même temps c’est la seule partie de nous qui peut s’échapper et aller beaucoup plus loin que les limites physiques de notre corps. Il s’agit d’une prolongation métaphysique allant plus loin que l’espace donné par la chair révélant l’aspect incorporel le plus secret de notre intérieur, un côté spirituel qui est aussi intime qu’insaisissable. Par conséquent, c’est quelque part inestimable : un cadeau qui peut enrichir notre existence au moyen du large éventail de possibilités qu’il offre. Il suffit de penser à quel point on peut être saisi par une voix entendue à la radio, que nous associons tous, inconsciemment ou non, immédiatement à un physique. Quelqu’un avec une apparence quelconque peut se transformer en un personnage fascinant par le pouvoir de sa voix ; les gens que nous imaginons en écoutant leur voix à la radio sont construits par les images reflétées et idéalisées dans notre imagination mentale. C’est pour cette raison, que la télévision, malgré sa nature beaucoup plus physique, ne peut pas remplacer la radio : les gens ne lui permettront pas de détruire nos créations artistiques, des chefs-d’œuvre incomparables créés par le pouvoir d’imagination et stockés dans les archives mentales de tout un chacun.
C’est à cause de ses nombreuses possibilités de communication vocale qu’une large gamme d’utilisation de la voix a été développée, aussi diverses et nombreuses, que les occasions au cours desquelles on les utilise. Tout art en relation avec la parole ou le chant, a fait développer une technique vocale spécifique en évolution permanente, différente selon les limites sociales, culturelles ou esthétiques de la situation[7]. Nous pouvons tous voir, ou plutôt entendre, ce développement qui a touché toutes sortes de technique vocale et surtout au niveau de la musique populaire. Par exemple, une voix de ténor qui a souvent eu recours au style falsetto si populaire dans les années 1950, ferait tout bonnement rire si on l’imitait aujourd’hui. Mais derrière les passages immuables du temps et les changements inévitables au niveau des goûts musicaux qui s’ensuivent, un modèle général est en train de se construire que l’on ne peut pas laisser sans considération. Quand on observe le large panorama des styles de la musique actuelle[8], il paraît clair qu’il y a une tendance vers les voix de femmes plus graves en contraste évidente par rapport aux sopranes aigues traditionnelles. On préfère maintenant les voix massives, déterminées, ce qui correspond plutôt à une connotation virile. C’est cette tendance qui se confirme en écoutant attentivement la musique populaire actuelle, et encore plus parmi les enfants ou adolescents qui chantent. Dans ce contexte, même le karaoké peut servir d’un outil important pour analyser les tendances phoniques de la population en général, révélant une tendance indéniable vers la masculinisation des voix féminines. Un phénomène similaire apparait dans le domaine de l’opéra, même s’il semble qu’il se limite à une plus grande proportion de mezzos parmi les étudiantes de cours de chant que par le passé. Ainsi, nous pouvons constater maintenant un manque de véritables voix d’alto graves ou basses.
Dans la musique populaire, laquelle a un plus grand impact sur le marché, impact d’autant plus important sur l’environnement social que les autres formes ‘plus cultivées’[9] de musique, un autre modèle clair émerge. Un style particulier d’émission vocale devient beaucoup plus répandu ; nous pourrions le décrire comme “voix de gorge” afin de le distinguer des styles plus canoniques connus comme “voix de tête” et “voix de poitrine”. C’est pourquoi, de toutes les caractéristiques de la musique populaire, c’est le style de “voix de gorge” qui la définit, tant et si bien que désormais tout ce qui part de ce style maintenant est estampillé automatiquement “style opéra”.
Normalement, le style de chant de “voix de gorge” est tout simplement la conséquence de lacunes dans la technique vocale lors du passage d’un registre à l’autre, ce que l’on appelle le passaggio di registro. Un tel entraînement permettrait au chanteur d’utiliser la “voix de tête” pour produire des notes plus aigües[10]. Les chanteurs pop se trouvent dans une position dans laquelle on attend d’eux qu’ils chantent des notes aigües, mais sans utiliser le passaggio di registro, ce qui conduit certainement à supporter une trop grande ressemblance avec l’opéra. Ceci signifie qu’ils sont obligés d’inventer leurs propres techniques afin de capter les notes les plus hautes[11], surtout qu’ils sont bien conscients que ce qu’ils gagnent est directement lié à leur productivité musicale.
Si la personne en question n’a pas la chance d’avoir une structure anatomique pour faire de tels efforts vocaux, la conséquence la plus logique risque d’être une hyperactivité de ses cordes vocales[12], ce qui peut provoquer la formation de nodules[13]. La voix prend alors une texture caractéristique et facile à reconnaitre pour les oreilles initiées ; ce qui rend improbable de pouvoir l’utiliser artistiquement par la suite. Le timbre devient plus grave, les sons plus rauques[14], le temps que le chanteur peut tenir sans respiration devient plus court et les notes moyennement aigues sont pratiquement inatteignables ou exigent un effort considérable. Lorsqu’il ne s’agit pas de raisons physiologiques, c’est la voix de “fumeurs” de certains chanteurs, italiens ou d’autres nationalités, qui ont réussi à faire de cette façon de chanter une marque de fabrique. Le succès de ces chanteurs fait connaître ce type de voix en dehors des limites d’une critique normale selon une évaluation purement esthétique. On pourrait croire que c’est un phénomène réservé à une élite chanceuse, s’il ne provoquait pas de si nombreuses imitations. Parfois si cette imitation n’est pas volontaire, mais dans tous les cas ce comportement vocal s’est largement répandu dans l’ensemble de la société et touche un large éventail de différents groupes sociaux[15]. …..
Les tendances vocales actuelles sont aussi étroitement liées aux techniques respiratoires. Les artères gonflées sont souvent visibles sur le cou des chanteurs lors de leur performance, mais aussi sur le cou des personnes quand elles parlent. Si l’orateur met du temps à prendre sa respiration du fait qu’il met l’accent sur les derniers mots de son propos, les organes impliqués dans la prononciation des paroles subissent un stress, ce qui peut avoir un effet non seulement sur le fonctionnement de ces organes, mais aussi sur la qualité de la voix qu’ils produisent. Il n’y a pas un grand écart comme on le penserait entre la reconnaissance des résultats de ces tensions de sa propre voix et leur utilisation active. Beaucoup de chanteuses utilisent désormais ce type de style vocal à nos jours. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, les sons clairs et aigus sont les premiers à disparaitre[16], tandis que pour les mêmes raisons, on met l’accent sur les sons plus graves. L’hyperactivité des cordes vocales peut donc être considérée comme une cause limitée des voix de femmes devenant plus graves, mais d’autres facteurs peuvent aussi provoquer de pareils phénomènes.
L’augmentation confirmée de la taille moyenne, par exemple, peut avoir fait une influence certaine sur la tendance vers les voix plus graves, tant masculines que féminines. Les personnes de grande taille doivent leur stature à une suractivité de la glande pituitaire qui est responsable de la croissance du corps. La longueur des cordes vocales est proportionnée à la croissance des autres parties du corps, en fonction de l’allongement du cartilage de la thyroïde[17]. On peut le voir d’une manière plus prononcée chez les personnes de grande taille, leur permettant d’avoir une voix plus basse, plus grave[18]. Cela se reflète aussi dans les qualités physiques qui distinguent typiquement les voix de basse des ténors ; les premiers sont plutôt de grande taille, avec de longs membres, maigres et énergiques[19], tandis que les ténors sont généralement plus petits, avec des caractéristiques physiques différentes, et sont d’habitude plus costauds, à cause de leur métabolisme plus lent[20].
Même s’il parait, à première vue, que cela n’a pas grand-chose à voir avec la masculinisation de la voix féminine, cela vaut la peine de s’arrêter un petit moment sur l’existence de la glande pinéale, située dans le cerveau. Bien qu’elle soit implantée très profondément dans le crâne, l’une de ses qualités est la photosensibilité[21]. Parmi ses autres fonctions on trouve la régularisation de la glande pituitaire, responsable de la croissance et du contrôle de la production de la testostérone par les cellules de Leydig. Le fait que cette glande est sensible à la lumière, pourrait signifier, indirectement, qu’elle n’est pas hors sujet dans cet essai. En cas d’exposition prolongée à la lumière[22], la glande pinéale peut être amenée à stimuler la glande pituitaire d’une façon prématurée avec comme résultat la sécrétion précoce de la testostérone, ce qui provoque, comme on l’a vu plus haut, le changement de la voix de l’homme et déclenche la procédure qui mène à la maturité sexuelle et vocale[23].
Il faut prendre en compte, aussi, que la consommation d’hormones à notre insu (nourriture de plus en plus riche et complexe), souvent traitées ou altérées par l’utilisation de substances hormonales qui favorisent la croissance et améliorent l’apparence de produits carnés ou non, peut contribuer à l’apparition précoce de ces changements physiques. En effet, la consommation de ces hormones a un effet direct sur le développement de certaines parties de l’anatomie et, en tant que tel, a un impact direct sur l’objet de cette étude. Le larynx, l’organe responsable de la production du son, est également classé comme un organe sexuel secondaire, extrêmement sensible aux effets des hormones sur le corps[24].
Une fois la maturité sexuelle atteinte, les adolescents se trouvent dans toute une série de situations nouvelles, liées à différents facteurs de toutes sortes et une analyse trop détaillée forcerait la présente étude à se disperser dans un trop grand nombre d’autres domaines. Il y a un domaine tout particulier, cependant, qu’il vaut mieux examiner de plus près : la façon dont les adolescents expriment qu’ils ont atteint leurs buts, ce qui, au moins à leurs propres yeux, a une importance sociale énorme. Même si cela est absolument évident pour la personne en question, la preuve physique de ce changement va, pour des raisons manifestes, rester normalement privée. C’est à ce niveau que toute une série de comportements souvent exagérés apparaissent, à travers lesquels les adolescents des deux sexes essayent d’exprimer les changements qu’ils ont subis. Habitudes vestimentaires, expressions du visage, maquillage, cigarettes, dans des cas extrêmes, drogues, peuvent tous être interprétés comme la manifestation envers l’entourage de sa propre maturité par des messages qui vont plus loin que le corps lui-même. Cependant, il y a une chose qui nous concerne vraiment : cela représente notre propre identité personnelle et en même temps elle est très attachée à elle ; elle est capable d’envoyer des messages clairs vers notre entourage, et est la seule partie du corps, comme mentionné déjà ci-dessus, qui donne corps à notre plus profond intérieur : notre voix[25]. Il n’y a donc pas de meilleur moyen pour montrer notre propre image au monde extérieur.
La relation entre ces faits et la masculinisation de la voix féminine apparaît dès que l’on prend en compte les modèles existants à la portée des adolescentes qui souhaitent mettre en évidence leur nouveau statut en tant que femme. En observant la situation comme un sujet extérieur, et en essayant de rester aussi objectif que possible, il est assez clair, que l’image d’une femme mature reflétée sans cesse par les publicités, les films, la télévision et par les médias en général est pleine de confiance et de charme, accompagnée par un certain brin d’agressivité. L’autre côté du caractère féminin qui est accentué est la sportivité, la ténacité et le courage, les héroïnes des films ont une conduite flagrante dans ce sens. Il n’est pas difficile de s’apercevoir comment les jeunes femmes faciles à impressionner peuvent être influencées par, et essayer de s’identifier à de tels modèles. Cette hypothèse doit également tenir compte du fait que la grande majorité des fumeurs fume sa première cigarette à la puberté, période de la vie où les jeunes sentent une absolue nécessité de confirmer leur maturité nouvellement trouvée. De la même manière, il est facile de suivre comment la tendance vers les voix plus graves, plus viriles s’est développée et est considérée comme si elle offrirait les qualités qui sont nécessaires au succès d’une femme dans la société moderne. Une voix claire, aigüe semblerait absurde.
Le dysfonctionnement de la thyroïde, comme cela a déjà été mentionné, a peut-être joué un rôle considérable dans la réduction de la clarté de la voix de femmes[26]. Selon des études endocriniennes récentes, un pourcentage extrêmement important de femmes (plus de 70%) serait affecté par un dysfonctionnement de la glande thyroïdienne, se traduisant par l’apparition de nodules. La présence de ces nodules[27] peut augmenter d’une façon considérable le volume de la glande, située juste à côté de la base du larynx[28], en dessous du cartilage thyroïdien. Leur localisation peut empêcher la mobilité normale du larynx[29], en bloquant la capacité vibratoire des cordes vocales, réduisant ainsi le nombre de vibrations par rapport à la circulation de l’air. Prenant en compte les lois de la sonorité qui gère la production du son, cette maladie conduirait également vers des voix plus graves, plus basses.
Il semblerait que nous nous trouvions une nouvelle fois au milieu d’une transition vocale similaire à celle des castrats, mais poussée dans une direction opposée : au lieu des hommes qui s’efforcent d’avoir des voix féminines, les femmes sont en train d’essayer de rendre leurs voix plus masculines, même si cette fois-ci, et heureusement, la transformation se passe sans faire couler de sang. En effet, si quelqu’un pouvait étudier cela plus sérieusement, une oreille attentive pourrait aussi découvrir la tendance contraire quant à la voix masculine, car les sons plus aigus, plus clairs détiennent un pouvoir de pénétration plus important[30]. Mais c’est un domaine qui pourrait faire l’objet d’autres études futures. Pour le moment, il suffit de retenir, que du point de vue physiologique, le larynx, source de la voix, est parmi les organes sexuels secondaires. Avec cela en tête, il ne parait pas trop fantaisiste de poser une ligne parallèle entre la mutabilité de l’identité vocale humaine et notre identité sexuelle, aussi changeante.
[1] Cet article est publié avec l’aimable autorisation du magazine ‘Lo Spettacolo’, édité par la SIAE (Société Italienne des Auteurs et des Editeurs).
[2] Il ne s’agissait certainement pas de chirurgie telle qu’on l’entend aujourd’hui : effectuée en secret à cause des interdictions en cours, avec peu d’égard pour l’hygiène, et des méthodes qui se rapprochaient plus de la boucherie que de la médecine moderne. Apparemment, c’est donc du fait de leur habilité à manier couteaux et rasoirs qu’on choisissait les bouchers et les barbiers pour réaliser ces opérations plutôt que des chirurgiens qui étaient en tous les cas plus chers et plus exigeants.
[3] Il n’y a, toutefois, aucun doute sur l’existence ou la persistance d’un trauma psychologique ; la vie des castrats demeurait profondément marquée par cette expérience. Ni un grand succès artistique ni la richesse, qui, dans tous les cas, ne constituaient que des rêves lorsque l’opération était réalisée, ne pourraient un jour effacer de leur mémoire un épisode aussi déstabilisant.
[4] Les derniers castrats de la Chapelle Sixtine restèrent sur place encore quelque temps après la nomination de Mgr Lorenzo Perosi comme chef de chœur papal en 1898. C’est en 1902 que l’on décréta qu’il n’y aurait plus de castrats. Ceux qui existaient encore continueraient à exercer jusqu’à leur retraite. Parmi eux Alessandro Moreschi, qui termina sa carrière de castrat en 1913.
[5] Le lecteur se souviendra que les comédiens de cette époque avaient une si mauvaise réputation qu’on les brûlait à l’extérieur des enceintes de la ville. A partir de là il peut imaginer ce qu’enduraient les femmes qui travaillaient dans le théâtre, que ce soit en tant que chanteuses ou comédiennes.
[6] Cette croissance anormale était l’une des conséquences de la castration. En même temps que la testostérone, l’on interrompait également la production d’une autre substance importante appelée inhibine. L’inhibine contrebalance les effets de la glande pituitaire, qui contrôle la croissance et le développement du corps. Mais il faut admettre que depuis cette époque nous avons pris l’habitude de voir une Mimì plutôt bien en chair, censée d’être en train de mourir de phtisie.
[7] La voix des acteurs a considérablement changé au cours des quarante dernières années, à tel point qu’un film en noir et blanc serait incompréhensible s’il devait être doublé à nouveau aujourd’hui. On peut faire les mêmes observations au théâtre et à l’opéra.
[8] On utilise ce terme pour donner un sens autant que faire se peut ; les problèmes concernant la véritable valeur artistique ou importance culturelle de la musique ‘populaire’ dépassent le propos de cette enquête.
[9] L’utilisation de cet adjectif indique un degré d’élitisme mais il n’est employé ici que pour expliquer une certaine sorte de musique.
[10] Le passaggio di registro crée une homogénéité du timbre vocal dans la transition entre notes aigues et notes basses, permettant une performance vocale plus douce et plus solide dans le registre du chanteur. L’un des défauts de cette technique est ce qu’il donne à la musique pop; il y a une différence notable entre le « couplet », chanté normalement dans une voix incertaine et soupirée dans le registre vocal moyen bas, et le « refrain », où le chanteur révèle ses talents parfois inattendus en employant des notes aigues et puissantes.
[11] Comme avec la musique d’opéra, en musique populaire les notes aigües sont les préférées.
[12] Cette hyperactivité est due à l’effort consenti pour émettre un son dans des conditions physiologiques anormales.
[13] Ce terme se réfère à la grosse enflure que peuvent former les bords des cordes vocales lorsqu’on les place sous un stress prolongé. On a démontré que cette maladie est commune parmi les enseignants, en particulier ceux qui travaillent en écoles primaires et collèges. Leurs voix sont soumises à un niveau de stress anormal, comme ils doivent l’utiliser si souvent. Une utilisation exagérée amène à l’usure du bord des cordes vocales, et à la formation de véritables callosités aux points de contact.
[14] Ce terme est utilisé pour décrire une voix qui est accompagnée par un son de respiration audible, qui est causée par le fait qu’une partie de l’air qui passe à travers les cordes vocales ne vibre pas, et n’est donc pas transformé en son. Ceci est dû aux dures callosités qui empêchent les cordes vocales de vibrer librement signifiant qu’elles ne peuvent pas transformer le courant d’air en vagues de son.
[15] La tendance normale à imiter le style de personnes connues, notamment dans le cas de la musique populaire, trouve son expression particulière dans l’essor des karaokés, qui demeurent populaires dans de nombreux pays, même si c’est désormais un peu dépassé ici en Italie. La composante imitative du karaoké est son point principal et ceux qui commencent à le pratiquer se retrouvent à copier de près le style vocal de l’artiste original, pour le meilleur ou pour le pire.
[16] En produisant ces sons, les cordes vocales prennent leur forme la plus élargie, causée par le mouvement du cartilage aryténoïde. Le même principe est en œuvre sur les instruments à cordes où les boyaux les plus fins (par rapport à leur longueur) produisent les notes les plus aigües et les plus claires.
[17] Plus communément appelée pomme d’Adam, le cartilage thyroïde est l’un des quatre qui constitue le larynx, aux côtés du cricoïde, de l’aryténoïde et de l’épiglotte. Le morceau de cartilage de la pomme d’Adam protège les cordes vocales qui s’étirent entre les cartilages de la thyroïde et de l’aryténoïde.
[18] La même chose survient avec les instruments à cordes lorsque des boyaux plus longs produisent des sons plus profonds (là ou l’épaisseur des boyaux ne change pas).
[19] Bien qu’ils ne soient pas nécessairement fins, notamment avec l’âge
[20] Une théorie récente émet l’hypothèse selon laquelle la production d’un son peut être améliorée par la présence de dépôt de graisse dans la région laryngée. Ceci viendrait en contradiction avec le fait que certains chanteurs tendent à être des ténors ou des sopranos avec des voix claires et aigües. Dans le cas des sopranos, les cordes vocales doivent effectuer plus de 1000 oscillations par secondes (soprano F5: 1396.9 p/s), cette action pourrait être ralentie par le poids de dépôt de graisse près des cordes. Si l’on considère qu’un petit dépôt de mucus sur les cordes vocales réduit immédiatement les fonctions vocales, on comprend aisément en quoi le succès d’un chanteur d’opéra est réellement précaire. Au moment de la production du son, la voix du chanteur dépend d’un équilibre très délicat à l’intérieur de la boîte vocale, et le petit poids en plus peut facilement le rompre.
La présence de mucus dans la poitrine est différente, car elle contribue essentiellement à la production de voix medium ou basses. Du mucus dans cette partie du corps, si on la considère comme une vibration transmettante, peut augmenter la capacité résonante de la poitrine, dans la mesure où cette capacité est directement proportionnelle à la densité moléculaire du moyen de transmission. C’est pourquoi le son voyage cinq fois plus vite à travers l’eau qu’à travers l’air.
[21] Plus de 20 hormones différentes ont été isolées parmi ces secrétions. Elles sont importantes pour de nombreuses fonctions vitales du corps et pas seulement neurologiques. Elle est étroitement impliquée dans le développement des organes sexuels secondaires, parmi lesquels le larynx, pivot des organes de la voix. La glande pinéale régule également la transition entre les périodes de sommeil et d’éveil.
[22] Nous passons en réalité la plupart de notre temps à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. Ceci explique pourquoi nous sommes exposés davantage à des sources de lumières fixes et puissantes tels que l’éclairage électrique, surtout lorsque l’on prend en considération que les éclairages sur les lieux de travail demeurent en marche la journée. Ces lumières éclairent l’ensemble de la zone de travail n’offrant aucune alternative d’ombre.
[23] Ceci peut expliquer le fait qu’en Italie, comme dans d’autres pays qui bénéficient d’un climat ensoleillé méditerranéen, les Knabenchöre (chœurs de garçons) ont toujours été une rareté, limité à quelques institutions (par exemple la Chapelle Sixtine et la Cathédrale de Milan). En revanche, de tels chœurs ont toujours été répandus dans des pays du nord de l’Europe. La maturité sexuelle et les changements vocaux qui l’accompagnent arrivent plus tard dans ces pays puisque la glande pinéale a été moins stimulée par le rude climat et le ciel encombré de nuages. La longue existence de cette voix donne donc davantage de stabilité au Knabenchor, encourageant sa continuation et sa diffusion.
[24] On dit souvent que les chanteuses d’opéra évitent de chanter au cours de leurs menstruations du fait des changements que le larynx opère durant cette période.
[25] Parler au téléphone avec une personne que nous connaissons s’apparente plus à une vidéoconférence dans la mesure où le seul son de sa voix donne la sensation qu’elle est physiquement présente
[26] L’on doit rappeler que le terme ‘dysfonctionnement thyroïdien’ se réfère à la glande thyroïdienne et non au cartilage thyroïdien.
[27] Ils peuvent apparaître en grand nombre et atteindre une taille telle qu’ils peuvent être observés à l’œil nu.
[28] Dans des conditions normales, le volume de la thyroïde d’une femme qui vit loin de la côte peut être deux fois plus important que celui d’une femme vivant près de la mer, dû au manque d’iode. Dans ce cas une rapide augmentation de volume peut causer des résultats.
[29] Ceci est souvent dû au fait que, tandis que la thyroïde est composée de fibres douces et pliables, les nodules sont plus solides et souvent recouverts d’un enrobage contre lequel le corps cherche à se défendre et emprisonne les corps étrangers.
[30] La difficulté à trouver des voix très basses a déjà été mentionnée plus haut.
Walter Marzilli est diplômé en chant grégorien, enseignement de la musique, musique chorale et direction de chœur près l’Institut Pontifical de Musique Sacrée de Rome. Il a obtenu un doctorat de musicologie dans le même établissement. Après des études en Allemagne, il a obtenu un diplôme de spécialisation en musique pour chœur et orchestre à l’université de Cologne, et un diplôme supérieur en enseignement de la musique à l’université de Düsseldorf. Il a été élu à deux reprises à la commission artistique nationale de la FENIARCO (la Fédération Nationale Italienne des Associations Chorales Régionales). Il dirige plusieurs ensembles choraux : I Madrigalisti di Magliano, situés à Magliano en Toscane ; le Rome Vocal Octet ; l’Amaryllis Vocal Quartet ; et le Rome Pontifical Institute of Sacred Music Polyphonic Choir. Il enseigne le chant à la Sedes Sapientiae de Rome, où il est également Directeur du Département de musique. Il a enseigné au Séminaire Pontifical Français et à l’Académie Italienne d’Opéra. Il a dirigé le Centre Italien d’Enseignement de la Musique à Rome, où il a également enseigné durant plusieurs années. Il enseigne le chant choral au Conservatoire de Musique Francesco Cilea en Reggio Calabre ainsi que la direction de chœurs dans un cours de spécialisation au Conservatoire de Musique de Novara. Il donne aussi des enseignements à l’Institut Supérieur des Chefs de Chœurs de la Fondation Guido d’Arezzo et est professeur émérite en Direction de Chœur à l’Institut Pontifical de Musique Sacrée de Rome. Email: waltermarzilli@alice.it
Traduit de l’anglais par Barbara Pissane, France
Edited by Gillian Forlivesi Heywood, Italy
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