María Guinand, chef de choeur, Venezuela
Il ne fait aucun doute que le succès d’un chef dépend de nombreux facteurs tels que sa préparation musicale, sa sélection du répertoire, sa méthodologie de répétitions, le leadership pour former un bon groupe choral, le travail vocal et bien d’autres variables. Cependant, nous observons souvent des chefs qui, ayant toutes ces compétences, sont inexpressifs et peu communicatifs. Le problème est qu’ils n’ont pas accordé d’importance au langage corporel et aux gestes, qu’ils doivent développer avec prudence et circonspection.
Dans ce court article, je vais essayer d’aborder ce sujet fascinant. Pourquoi est-il important de développer un langage de codes gestuels/corporels qui sont fondamentaux pour la communication du chef de chœur ou d’orchestre, et qui auront un impact définitif sur l’interprétation de la musique.
Le grand acteur Vittorio Gassman a écrit:
“Il est vrai que le geste est l’un des signes les plus spécifiques du langage personnel d’un acteur. Un geste (c’est la première chose que j’enseigne à mes élèves), un geste large ou à peine perceptible, précède toujours le mot, c’est celui qui énonce l’intention expressive, la volonté émotionnelle”.
Dans son livre “La Forja del Director” (“La forge du chef”), Alberto Grau déclare:
“Les gestes permettent au chef de communiquer avec son groupe à la fois techniquement et expressivement. Les mouvements gestuels constituent des codes qui permettent à l’ensemble choral de déchiffrer le sens de l’œuvre, son rythme interne, ses nuances expressives, d’où le fait que le geste doive être immédiatement reconnu par le chœur, être explicite pour éviter toute confusion, et adaptable à diverses situations pouvant survenir en raison des dimensions de la salle de répétition ou de la scène pour la représentation, ainsi que le nombre de membres présents dans l’ensemble”.
Pour cette raison, le geste est un aspect fondamental de la direction, qui doit être pratiqué et appris consciencieusement; pour cela le chef doit y travailler assidûment, et le perfectionner. Pour ce faire, nous devons connaître notre corps à travers des pratiques de préparation physique, en particulier la musculature, la posture, la fluidité et la continuité du mouvement, sa force et son amplitude, la tension et la détente. Bref, tous les éléments qui nous permettent d’avoir un geste efficace et expressif, qui est un véritable canal de communication avec le chœur.
Je pense qu’il est important d’explorer brièvement certains aspects de notre système musculaire, qui sont liés à ce sujet.
Le système musculaire de l’homme est composé d’un ensemble de plus de 650 muscles différents, dont la plupart peuvent être contrôlés à volonté et nous permettent d’exercer une force suffisante sur le squelette pour bouger. Ils sont constitués de cellules appelées “myocytes” avec un haut niveau de spécificité, qui rendent les fibres musculaires résilientes et élastiques et donc capables d’être soumises à des étirements et à une compression.
Les muscles que nous utiliserons aux fins du geste du chef sont les muscles squelettiques ou volontaires qui nous permettent d’utiliser nos membres, de nous déplacer et de faire des gestes aussi simples que de bouger les yeux ou de sourire. Les plus pertinents dont nous avons besoin pour les actions quotidiennes sont les pectoraux, les trapèzes, les quadriceps, les abdominaux, les biceps et les triceps.
Parmi tous ces muscles, pour les besoins de notre geste, les plus importants sont les muscles pectoraux et abdominaux car ils nous aident à avoir une structure corporelle équilibrée, les deltoïdes et les muscles trapèzes ont une influence pertinente sur le mouvement des épaules et des bras. Il en est de même avec les muscles du visage qui contrôlent nos expressions.
D’autres aspects à mentionner brièvement: la classification des muscles afin de comprendre comment les utiliser et les entraîner (essentiellement parmi les fléchisseurs, les extenseurs, les rotateurs et les stabilisateurs)1, le tonus musculaire2, les types de fibres3 et leurs contractions4.
De tout ce qui précède, on peut déduire que l’exécution d’un certain mouvement est une action complexe dans laquelle différents muscles ayant des fonctions différentes doivent agir de manière coordonnée, bien qu’il puisse y en avoir un qui soit le principal.
D’après mon expérience, j’organise mon entraînement quotidien d’exercices corporels autour de mes cours de danse et de séances de Tai Chi, ainsi que des marches silencieuses mais dynamiques. Cela me permet d’être prête à m’attaquer ensuite à des exercices préparatoires spécifiques à la direction.
Construire une série d’exercices posturaux, de relaxation, de renforcement, de tension et de relaxation musculaire est essentiel avant d’aborder les aspects fondamentaux de la technique du geste. Cela nous permettra de connaître notre corps, ses possibilités, ses faiblesses et de construire notre propre langage expressif. Il est également très important de travailler en conscience sur l’expression faciale et de l’accompagner de mouvements corporels qui la répètent.
Dans l’étude et la pratique de la technique de direction, en plus des aspects liés aux figures de direction et à leur clarté, nous devons traiter d’autres aspects qui dépendent directement d’un geste précis et clair.
Chaque chef développe une sorte de chorégraphie qui lui est propre, et qui doit être suffisamment claire pour être comprise par tous les ensembles qu’il ou elle doit diriger.
La relation du mouvement pour maintenir un tempo constant dépendra d’une bonne tension musculaire et d’une relaxation du bras, ainsi que d’une précision dans le marquage du phrasé et des articulations. De même, la bonne gestion de la dynamique dépend de l’extension et de la tension du geste ; faire un diminuendo ou un crescendo progressif est lié à la tension musculaire ou à la détente, ainsi qu’au changement soudain de dynamique.
Des gestes superflus entravent indubitablement le discours musical.
Une direction gestuellement différenciée appropriée au discours musical doit être soigneusement étudiée et préparée parallèlement à l’étude analytique et musicale d’une partition, et être liée à la capacité expressive et émotionnelle de transmettre le message de l’œuvre musicale.
Type 2: Aussi appelé contraction rapide ou fibres blanches. Elles ont les caractéristiques opposées aux fibres de type I, leur diamètre est plus grand et elles sont peu vascularisées. L’organisme les utilise principalement pour des exercices de courte durée, mais de haute intensité. Ces muscles sont très sensibles à la fatigue.
Type 2: Ils ont des caractéristiques intermédiaires entre le type I et le type II. Selon le type d’entraînement effectué par une personne, ces muscles peuvent être transformés en fibres de type I, si les exercices de force prolongés prédominent, ou en fibres de type II.
Contraction isotonique: Dans ce type de contraction, la longueur de la fibre musculaire est modifiée par raccourcissement, mais le tonus musculaire reste presque constant et un déplacement se produit. Un exemple est la contraction musculaire effectuée pour soulever un objet et le déplacer.
María Guinand, chef de chœur et chef d’orchestre, professeur d’université, pédagogue et responsable de projets de musique chorale, est actuellement directrice artistique de la Fondation Schola Cantorum du Venezuela et du Chœur de la Fondation Polaire Internationale. Au cours de sa longue carrière, elle a été professeure associée à l’Université Simón Bolívar (1976-2018) (Venezuela); coordonnatrice des projets symphoniques de musique chorale d’El Sistema (1980-2012); directrice artistique (2003-2017) de la ‘Música para Crecer’. Elle a également été présidente, vice-présidente et conseillère pour l’Amérique latine à la Fédération internationale de musique chorale (1996-2014), puis depuis 2019) et membre du Conseil international de la musique (UNESCO) (2002-2005). Elle a remporté les prix “Kulturpreis” (1998), “Robert Edler Preis für Chormusik” (2000), Helmuth Rilling Award (Internationale Bachakademie 2009), le Life Achievement Award de la Fédération internationale de musique chorale (FIMC 2019) et est titulaire d’un doctorat honorifique de l’Université métropolitaine de Caracas, Venezuela (2020). Elle est fréquemment invitée en tant que chef invitée, chargée de cours et jurée aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine, en Europe et en Asie. Courriel: mariaguinand@gmail.com
Traduit de l’anglais par Barbara Pissane, relu par Jean Payon