Interpréter de la musique chorale micro-tonale

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Robert Lopez-Hanshaw, compositeur et directeur de musique.

Préambule émotionnel.

L’essentiel de mon expérience de chef de chœur est avec un ensemble de jeunes et d’amateurs. J’ai donc l’habitude de traiter ensemble les différentes préoccupations et priorités que beaucoup de lecteurs de NMBx (NewMusicBox) pourraient rencontrer.

La première chose à savoir à propos des chœurs au-dessous du niveau professionnel est, j’en suis persuadé, que nous y sommes pour la communauté avant tout. Il y a aussi une fierté dans l’exécution musicale, bien sûr ! Mais il s’agit surtout de créer et de cultiver les liens de la communauté entre chacun et avec un public.

De plus, on rencontre assez souvent des choristes expérimentés ayant des capacités limitées de lecture à vue, qui comptent plutôt sur une aptitude très développée à mémoriser et à reproduire d’ouïe les mélodies. La notation constitue alors, comme elle l’était dans l’Europe médiévale, plus un aide-mémoire qu’un ensemble d’instructions explicites.

Fac-simile du manuscrit de « lubilate deo universa terra », avec des des neumes chironomiques de hauteur indéterminée au-dessus des versets du psaume

La joie, c’est que cela met à la portée d’une très grande population l’expérience de la création musicale. Mais le défi c’est que très souvent, par nécessité, le chef est un professeur. Donc, pour des chœurs amateurs, il n’y a pas de garantie que les chanteurs auront une prise de conscience globale qui caractérise les ensembles d’élite ; et pour beaucoup, il y a fondamentalement l’assurance qu’ils ne l’auront pas.

Pourquoi diantre s’échiner à acclimater la musique micro-tonale dans cet écosystème ? Eh bien au moins à affiner la sensibilité d’intonation de chacun, ce qui peut être cruellement nécessaire. Mais aussi à ceci, en fin de compte : il existe de nouveaux mondes d’émotion à explorer, inaccessibles avec les seuls 12 demi-tons égaux !

Toutefois, dans ce cas, il revient au chef de ‘vendre’ le morceau en question à un ensemble éventuellement sceptique. Exploitez votre enthousiasme débordant pour aborder les techniques méthodologiques ci-dessous. Si les chanteurs vous apprécient, ils joueront le jeu.

Trêve de bla-bla : allons-y !

Le côté technique.

Pour l’enseignement des passages micro-tonaux, je préconise une approche ‘bimodale et ciblée’. J’ai choisi ce nom car j’avais besoin d’un titre à la fois précis et accrocheur pour un suggestion d’article. (Et ça a marché !) Mais voici ce que je veux dire :

Bimodal : Nécessitant une conscience globale des deux aspects (horizontal et vertical) de chaque changement de hauteur. C’est-à-dire qu’il faut envisager une nouvelle relation de hauteur avec celle qu’on vient de quitter, et aussi son contexte dans la sonorité où on arrive. Dans la musique micro-tonale, ces aspects sont souvent indépendants.

Ciblée : Liée à l’anticipation du familier, tant mélodique qu’harmonique, ou encore les deux. Quand cela est fait, les éléments nouveaux peuvent plus facilement se mettre en place, même dans une semi-conscience.

Ces deux tactiques sont déjà nécessaires pour être un bon musicien de chœur au sein d’un répertoire standard, mais il est important de les expliciter quand on travaille avec la micro-tonalité. Une étape utile pour les utiliser explicitement dans des morceaux micro-tonaux est de les utiliser explicitement pour des passages tonaux difficiles. Ainsi, un chef pourrait travailler ces tactiques pendant le semestre juste avant qu’une pièce micro-tonale figure à l’agenda.

Exemple tonal de la stratégie bimodale.

Un passage illustratif est dans le O Magnum Mysterium de Poulenc. Parmi plusieurs problèmes d’intonation dans ce morceau, voyez le triton au début du ténor, qui revient un peu plus loin :

Les trois premières mesures des 4 Motets pour le temps de Noël, de Francis Poulenc, FP 152.[1]

La plupart des chanteurs savent chanter un triton, mais ce n’est pas un intervalle courant. Il n’est pas rare d’avoir besoin de rappeler à quoi cela ressemble en utilisant Maria[2] ou le thème des Simpsons[3] comme illustration. (Voici un fil de discussion réconfortant de la vidéo des Simpsons 🙂

Même quand tout le monde l’a en toute sécurité, chaque individu l’exécutera légèrement différemment, spécialement quand aucun des sons impliqués n’est une note tonale. L’intonation ensemble peut être floue. Et vu qu’il s’agit d’un intervalle horizontal « dissonant », il y a souvent l’attente d’une dissonance où il aboutit.

Donc chantez-le lentement, stabilisez cet accord sur un son long, et il devient audible que le do bémol est en fait un si bécarre, tierce majeure de sol !

Les ténors connaissent maintenant, idéalement, ce problème a deux niveaux. Dans un sens, ils chantent un triton depuis la note précédente. Mais dans un autre sens, ils s’installent dans la “maison” très claire de l’harmonie résultante, qui n’a rien à voir avec le triton furtif.

Dans la musique micro-tonale, il est même plus important de maintenir séparés ces deux niveaux. C’est parce qu’une telle musique appelle inévitablement à chanter quelques intervalles horizontaux inconnus – et l’instinct naturel des chanteurs sera d’atterrir sur une verticalité qui est également « inconnue »,
(par ex. dissonante), et cet instinct est susceptible d’avoir tort.

Une note sur les objectifs.

Passons maintenant à la partie de l’approche « basée sur les objectifs ». Dans la musique micro-tonale, par exemple, si votre chœur a besoin de chanter un enchaînement de petits intervalles inconnus, alors suggérez-leur la solidité   de l’intervalle qu’ils constituent globalement, et les sons intermédiaires peuvent presque inconsciemment se mettre en place. Ils pourront être fignolés plus tard, dans une seconde étape.

Pour illustrer la facilité avec laquelle cela peut sonner une fois que c’est modelé, voici un extrait d’une interview de Jacob Collier, où il montre gaiement ce genre de chose à une tierce mineure. Essayez-vous-même !

Transcription de cette phrase de June Lee, extraite d’une interview vidéo de 2017.[4]

L’approche par objectif n’est pas limitée au remplissage mélodique d’intervalles réguliers. Sur une échelle plus large, il s’agit de fournir une série de repères conceptuels dans un morceau (où les chanteurs peuvent reprendre pied, au cas où ils le perdraient en chemin). Cela peut être les intervalles mélodiques cibles comme au-dessus, mais aussi les intervalles harmoniques cibles à accorder (par ex. pour les entrées), ou accords cibles.

La nouveauté ici est que les cibles n’ont pas besoin d’être musicalement importantes dans le morceau (elles peuvent se produire sur des temps faibles, ou à des endroits non accentués dans une phrase, etc). Elles doivent seulement être déjà familières aux chanteurs, qui peuvent alors les utiliser pour rééquilibrer. Par exemple, une sonorité cadentielle exotique pourrait être l’objectif musical, mais n’a pas besoin d’être la cible conceptuelle : ce rôle pourrait être une sonorité secondaire, moins importante, plus familière.

En voici un exemple dans un morceau que j’ai écrit (vidéo qui peut être vue sur NewMusicBox[5]) :

Cela va d’un accord de La Majeur juste, à 7:9:11 dans la série harmonique de B twelf-tone-flat, dans ma notation préférée pour 72 divisions égales d’une octave ( ou « 72edo »). Ce dernier est étonnement facile à faire, parce que vous quittez une place très familière, chaque partie se déplaçant essentiellement par quarts de ton (un intervalle qui peut facilement se travailler). Le ton habituel aide aussi.

Construire l’échafaudage.

L’autre chose qui pourrait guider votre enseignement micro-tonal, c’est l’idée éducative de l’échafaudage, ou « zone de développement progressif ». Tout cela veut dire que chaque nouveau concept doit se rapporter a des concepts immédiatement adjacents, et que les concepts adjacents donnent lieu à un aperçu au niveau individuel.

Par exemple vous n’apprenez pas à lire par quelqu’un qui vous explique comment lire. Il n’y a aucune autre façon de le faire qu’en établissant par vous-même le lien entre chaque lettre et la manière dont elles se combinent pour constituer des mots. Votre professeur d’école primaire vous fournit juste les conditions pour faire le saut, par vous faire mémoriser les sons de lettres, alors vous confronter a des combinaisons facilement décodables (puis de moins en moins faciles).

Le principe ici est important. Malgré l’attrait d’une méthode de « force brute », tout comme apprendre un morceau d’oreille, à force de répétition d’un enregistrement synthétisé (maintenant plus facile à produire grâce à la technologie !), qu’une tactique qui ne réussira pas pour la plupart des gens (parce qu’ils n’ont pas assimilé la technique des blocs de construction pour « coller » les nouveaux intervalles. Et plusieurs pourraient ne pas être disposés à faire ce grand saut technique en priorité : ce n’est pas pour cela qu’ils viennent à la chorale.

Donc, il nous faut voir comment alimenter l’échafaudage.

Nous avons déjà abordé deux choses importantes, qui se produisent dans le chant choral normal et peuvent être appliquées au chant micro-tonal. Ce qui suit maintenant est une liste de concepts supplémentaires s’ajoutant chacun au précédent, et quelques ressources pour les maîtriser. Il y a deux voies : celle de l’Intonation Juste, et celle de la division égale.

Voie de l’Intonation Juste : Intonation Expressive.

Ironiquement, cette voie commence par l’inverse de l’Intonation Juste : « intonation expressive[6] ».

Ce n’est personne d’autre qu’Ezra Sims, le grand théoricien des 72 divisions égales de l’octave, qui a été mis sur la voie micro-tonale[7] par le chef de chœur de premier cycle Hugh Thomas. Thomas a insisté sur le fait que ses ensembles chantaient très haut la sensible avant sa résolution sur la tonique, et très bas le 4ème degré lors de sa résolution sur la médiante, entre autres. Sous une telle influence, dit Sims, vous risquez de trouver de nouveau difficile à croire (peu importe combien les instruments à clavier peuvent essayer de vous convaincre qu’il en est ainsi) qu’il y a, par exemple, une seule chose qui s’appelle sol dièse, une fréquence qui le définit pour toujours et toujours, Amen.

L’Intonation expressive, pour l’écrire crûment, est très intuitive. (Exagérer la sensibilité des notes sensibles !) Donc, si elle peut atteindre l’objectif de décourager les chanteurs de l’idée de hauteur absolue à pas fixe, alors cela facilite considérablement la marche à suivre.

L’Intonation Juste Véritable.

Sur le site web de sa maison d’Edition[8], Fahad Siadat a une série d’articles, à suivre, qui introduit le sujet de l’Intonation Juste pour les chœurs. Parmi les ressources plus complètes actuellement disponibles il y a Harmonic Expérience par W. A. Mathieu, que j’ai mentionné dans le dernier article, et The Just Intonation Primer par David B. Doty, ce qui est plutôt plus direct.

Un chef de chœur pratique pourrait choisir seulement quelques intervalles sur lesquels travailler. Les tierces majeures et les 7èmes mineures, parce qu’elles sont faciles à démontrer. Demandez à un violoncelliste de jouer des harmoniques naturels, et comparez-les avec le piano ! Demandez à un quatuor de barbershop de haut niveau de “sonner” quelques accords ! D’emblée vous vous rendrez compte qu’il y a plusieurs « saveurs » disponible pour une intervalle donné, chacune avec une fonction différente.

Utilisez ce qui est pertinent selon la pièce. Si votre chorale n’ajoute que la 7ème harmonique à son vocabulaire, cela suffit pour commencer à travailler sur quelque chose comme I’m Going Away de Ben Johnston. En effet, Jeff Gavett, le directeur de l’ensemble vocal contemporain Ekmeles, a dirigé avec succès des ateliers d’ensembles universitaires sur Rose de Johnston (encore une fois, une pièce dans laquelle le seul “nouveau” son est le 7e harmonique).

Quantification des commas.

Ross Duffin est bien connu pour son livre sur les tempéraments égal et inégaux, How Equal Temperament Ruined Harmony (And Why You Should Care). Mais il a aussi écrit une belle apologie et une méthode pour la pratique de la Just Intonation, qui repose sur la définition et l’utilisation du comma syntonique. C’est une façon très utile de penser systématiquement à régler les tierces, quartes, sixtes et septièmes par rapport aux quartes et quintes. Il est disponible gratuitement en ligne[9]. Il comprend même des exercices pour pratiquer des situations d’intonation problématiques typiques qui peuvent se produire.

Le Hilliard Ensemble et Nordic Voices intègrent régulièrement dans leur pratique ce système de base[10] (variable selon les situations). Si votre chœur chante un contrepoint de la Renaissance un semestre en regardant l’intonation à travers ce prisme, le semestre suivant pourrait étendre davantage la micro-tonalité.

L’Intonation Juste étendue.

Nous abordons maintenant des choses étranges. Il est possible, moyennant beaucoup de répétitions et un apprentissage costaud, de mémoriser et de reproduire les intervalles des composantes supérieures de la série harmonique.

Une référence possible est le chant diphonique[11], qui, simultanément à un fondamental grave, permet de produire de manière fiable des harmoniques au moins jusqu’au 14ème, et peut-être plus loin. Un clavier numérique aménagé est une autre ressource potentielle.

Mais un ensemble remarquable d’exercices est aussi disponible : Andrew Heathwaite a conçu un système pour chanter à tout intervalle possible qui se produit entre les membres d’un groupe donné de hauteurs basées sur les harmoniques, joliment appelé Singtervals[12]. D’autres l’ont développé[13]. Il est étonnamment logique et intuitif, utilisant une légère modification du système chromatique de solmisation à do mobile de Kodály.

Si un chanteur devait faire de l’écoute, de la compréhension et du chant de ce type de matrice une partie de sa pratique quotidienne, il serait bientôt en mesure d’aborder sans trop de difficulté une pièce strictement harmonique (ou infra-tonale) comme Contrasten de Henk Badings.

Chemin quart de ton : Tons Intermédiaires.

En recommençant au début par un chemin différent, nous pouvons utiliser la capacité des gens à chanter des tons égaux entre les hauteurs d’un petit intervalle familier, pour commencer à développer un véritable cadre de quarts de ton. Au début, vous pouvez simplement ajouter un exercice à des échauffements normaux : chantez fa – sol bémol, puis fa – fa+1/4 de ton vers le haut – sol bémol, puis la même chose en sens inverse. La justesse des notes extrêmes est bien sûr facilement contrôlée au piano[14].

Échelle complète de 24 tons.

Là où cela devient intéressant, c’est d’extrapoler cette technique simple à toutes les positions intermédiaires de l’échelle chromatique. Robert Reinhart, qui enseigne la théorie musicale et les compétences auditives à la Northwestern University, a attribué des voyelles intermédiaires aux hauteurs tonales entre les notes de solfège, telles que (in IPA) /ra/ /rɛ/ /re/ /rɪ/ /ri/[15] pour toutes les variétés du deuxième degré. Il a ensuite conçu et utilisé dans les exercices progressifs en classe pour entraîner l’oreille sur les nouveaux intervalles. Dans de nombreux cas, ceux-ci impliquent d’abord de ne chanter que les hauteurs modifiées, en omettant les hauteurs environnantes plus familières.

Ce n’est qu’une extension de la pédagogie de la lecture à vue dans les systèmes du do mobile ! Par exemple pour enseigner le motif do-fa-la (difficile pour les débutants), on peut chanter à plusieurs reprises une gamme majeure et supprimer progressivement les tons intermédiaires ré, mi et sol ; d’abord les écouter, puis faire le saut cognitif pour simplement chanter do-fa-la sans aucune béquille.

Reinhart a présenté à ce sujet et travaille actuellement sur une collection systématique d’exercices de solfège en quarts de ton, classés par difficulté.

Vous aussi, vous pourriez utiliser ce cadre de base pour diviser, par exemple, les demi-tons en groupes de trois sixièmes de ton, ou les tons entiers en cinquièmes de ton, si vous chantez de la musique enharmonique de la Renaissance[16]. Les voyelles spécifiques dans votre solfège étendu importent peu, tant qu’elles sont cohérentes.

Aller plus loin : échelle de 72 tons.

Julia Werntz est la détentrice actuelle de la tradition des compétences phoniques 72edo au New England Conservatory, succédant à Joe Maneri. Elle apprend aux élèves à entendre, à jouer et à composer avec des douzièmes de tons, c’est-à-dire des quarts de ton divisés en trois. Sa classe commence par développer un cadre quart de ton, et élabore à partir de là. Le manuel du cours, Steps to the Sea, est à la fois très accessible (avec de nombreux exemples audio) et facilement disponible.

Quand on en arrive aux douzièmes de tons, les chemins Just Intonation et tempérament égal commencent à fusionner. Pour les chanteurs en particulier, les intervalles Just Intonation plus simples correspondent si précisément aux hauteurs dans la gamme de 72 tons par octave, que la différence (un maximum d’environ 5 cents, et généralement moins de 3) est littéralement impossible à produire avec la voix.

En fait, une étude récente de Matthias Mauch et al.[17] montre que même pour les chanteurs expérimentés, la différence minimale perceptible et l’erreur de production de hauteur médiane pour une note donnée oscillent entre 18 et 19 cents, un peu d’un 12ème de ton ! L’étude portait sur le chant mélodique solo, et la précision de l’intonation peut être quelque peu plus élevée dans le chant harmonique[18] (en particulier dans un barbershop[19]), mais pas autant que vous le pensez.

(Différentes sources donnent des montants différents pour la différence juste perceptible dans divers contextes, et 5-8 cents est la valeur habituelle citée. Mais dans le cas des hauteurs chantées, un peu plus de chaos semble régner.)

Heureusement, au cas où vous vous poseriez la question, les micro-tons peuvent vraiment s’apprendre[20], et l’entraînement de l’oreille dans 72edo a vraiment pour effet d’augmenter la discrimination de hauteur et la capacité de production. Il dompte une partie du chaos latent de la pratique musicale.

Résultat final.

Si avec votre chorale vous avez traversé tout cela, vous êtes un obsédé et ils sont tous des saints. Ce que vous devriez vraiment faire, c’est choisir parmi ces possibilités selon ce qui se passe dans le morceau lui-même. C’est ce que j’ai fait. Mais là où je n’ai peut-être pas encore utilisé une technique particulière, elle a été testée sur le terrain par d’autres. Ils font tous vraiment ce qu’ils prétendent.

Conclusion : Aspects pratiques.

Voici quelques suggestions diverses que je peux donner sur l’enseignement des micro-tons aux chorales.

Utilisez des échauffements pour renforcer de nouveaux concepts musicaux, si ce n’était pas déjà clair. Pourquoi perdre du temps à chanter des gammes majeures ou des arpèges pendant tout l’échauffement, alors que vous pourriez pratiquer des quarts de ton par répétition ou construire des accords de séries harmoniques ? Cela réduit le temps d’enseignement sur la pièce micro-tonale elle-même.

Ne jouez absolument pas une grappe de sons à la place d’un son intermédiaire, en cherchant à jouer une mélodie micro-tonale sur un piano standard. C’est inutile pour la représentation mentale de la hauteur (“Entendons“-nous un ré quand do-mi est joué ? Diantre non ! Alors pourquoi entendrions-nous un ré +1/4 de ton lorsque c’est ré-mi bémol ?), et il représente une dissonance, que le chœur vous donnera obligatoirement. Mieux vaut sauter la hauteur injouable. Mieux encore :

Modélisez avec la voix chaque fois que c’est possible. Ce n’est pas seulement plus facile à suivre qu’un clavier, mais cela démontre également que le passage est, en réalité, exécutable.

Réaccordez le clavier, s’il est numérique. La tâche est aujourd’hui a priori triviale, avec la technologie disponible ; mais ce n’est peut-être pas le cas pour vous personnellement. Si c’est le cas et que vous lisez ceci, vous avez assurément des amis qui sont des boules de nerfs comme vous, sauf avec les ordinateurs. Vous pouvez leur demander une faveur ou les embaucher pour le faire pour vous. BitKlavier[21] est un logiciel gratuit avec unprocessus d’apprentissage facile ; s’ils peuvent programmer dans Max / MSP, alors ils devraient pouvoir utiliser sans trop de mal Pure Data[22], qui est également gratuit ; ou vous pourriez vous offrir PianoTeq Standard[23], qui a un son de qualité professionnelle et de très bons contrôles de réglage micro-tonal. Il existe de nombreuses autres options, mais celles-ci sont un début.

Travailler en étroite collaboration avec votre accompagnateur est essentiel, en particulier si des touches sont reconfigurées de manière drastique ! Mais encore une fois, puisque vous lisez ceci votre accompagnateur est probablement prêt pour cela.

Faites d’abord toutes les choses chorales normales (parlez la pièce en rythme, veillez à des coupures précises, utilisez un phrasé expressif, interprétez le texte) afin qu’ils réalisent tout ce qu’ils savent déjà faire.

Un bon soutien respiratoire est absolument indispensable. La méconnaissance entraîne un manque de confiance, le manque de confiance provoque un support inapproprié, et un support inapproprié provoque un fléchissement de la hauteur et un mauvais timbre, ce qui rend le projet infiniment plus difficile. Alors ne perdez jamais de vue ce socle d’un son bien soutenu, et revenez-y souvent.

Plus important encore : vous devez transmettre de la joie dans la musique. Et n’est-ce pas de cela qu’il s’agit toujours ?

Cet article a été initialement publié dans NewMusicBox (nmbx.newmusicusa.org), le magazine Web de New Music USA, et est reproduit et traduit avec permission.

Traduit de l’anglais par Aurélien CORNIAU (Taiwan), relu par Jean PAYON (Belgique)

[1]

                [1] https://www.youtube.com/watch?v=cOVAJI7SLXE

[2]

                [2] https://www.youtube.com/watch?v=DyofWTw0bqY&t=31

[3]

                [3]  https://www.youtube.com/watch?v=Xqog63KOANc

[4]

                [4]  Jaune Lee, Interview: Jacob Collier, Part I. https://www.youtube.com/watch?v=DnBr070vcNE – Sa conversation complète à ce sujet commence a 10:12, mais allez, allez la regarder en entier : ce mec est tellement branché, c’est surréaliste !

[5]

                [5] Robert Lopez-Hanshaw, Vokas Animo (Performing Microtonal Choral Music: The End Product). https://nmbx.newmusicusa.org/vokas-animo/

[6]

                [6]  Pamela Hind O’Malley, Violoncelliste Pablo Casals sur Expressive Intonation. https://www.thestrad.com/playing/cellist-pablo-casals-on-expressive-intonation/1434.article

[7]

                [7]  Ezra Sims, Yet Another 72-Noter. Computer Music Journal. Vol. 12, No. 4 (Winter, 1988), pp. 28-45

[8]

                [8]  https://www.seeadot.com/

[9]

                [9]  https://casfaculty.case.edu/ross-duffin/just-intonation-in-renaissance-theory-practice/

[10]

                [10] Frank Havrøy, ‘You Cannot Just Say: “I Am Singing The Right Note”’. Music & Practice, Volume 1. https://www.musicandpractice.org/volume-1/intonation-neue-vocalsolisten-stuttgart/

[11]

                [11]  https://www.youtube.com/watch?v=vC9Qh709gas

[12]

                [12]  Andrew Heathwaite, Singtervals. https://soundcloud.com/andrew_heathwaite/11-limit-singtervals

[13]

                [13] Casey Hale, N-Odd-Limit Diamond Solfege. https://archive.org/details/n-odd-limit_diamond_solfege

[14]

                [14]  Voici un clip des Tucson Symphony Chorus faisant cette activité, tout en se préparant à répéter mon morceau vokas animo: https://www.youtube.com/watch?v=yRHH1ZYZEx8

[15]

                [15] Cette distinction de voyelle est présente en anglais et en allemand, mais absente dans de nombreuses autres langues. Pour ces langues, d’autres voyelles intermédiaires pourraient être substituées, comme / ra / / rø / / re / / ry / / ri /.

[16]

                [16] Elam Rotem et Johannes Keller, Emilio de’ Cavalieri’s mysterious enharmonic passage. https://www.youtube.com/watch?v=-tyIvhv1hc0

[17]

                [17] Matthias Mauch, Klaus Frieler, et Simon Dixon, Intonation dans le chant non accompagné : précision, dérive et modèle de mémoire de hauteur de référence. Journal de l’Acoustic Society of America 136 (1), juillet 2014.

[18]

                [18] S. D’Amario et al., A Longitudinal Study of Intonation in an a cappella Singing Singet. Journal of Voice 2020 Jan; 34 (1): 159.e13-159.e27.

[19]

                [19] B. Hagerman et J. Sundberg, Ajustement fondamental de la fréquence dans le chant Barbershop. Rapports d’étape et d’étape trimestriels du Laboratoire de transmission de la parole. 21 (1) 1980: 28-42.

[20]

                [20] Charles Norman Bates, Développer la capacité de reconnaître les micro-tons. Thèse de doctorat, 1992.

[21]

                [21]  https://bitklavier.com/

[22]

                [22] https://puredata.info/

[23]

                [23]  https://www.modartt.com/pianoteq

 

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