Interpréter de la musique microtonale, partie 1: Voyage à la découverte de la microtonalité

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par Robert Lopez-Hanshaw

Pourquoi voudrait-on qu’une chorale sache chanter en micro-tons ? La littérature semble plutôt s’épancher sur leurs limites.[1] De toute façon, tout le monde sait bien que les chœurs sont extrêmement conservateurs et qu’ils se révolteraient, eux et leur public, au moindre soupçon d’étrangeté. Certains se réjouissent[2] même de ce paradigme, affirmant que ce sont les limitations de la voix humaine tempérée qui ont contraint la musique chorale à un style plus traditionnel face à la modernité, et que c’est une bonne chose !

Évidemment, cela exclut toute sorte de musique microtonale, ce qui est plutôt étrange.

Mais – bien sûr – il y a des fissures dans cette théorie. Si l’on s’éloigne du paradigme choral occidental, on s’aperçoit que le monde regorge d’exemples de maîtrise vocale formidable. Pour certains chanteurs indiens, turcs ou arabes, une partie fondamentale de la musique repose sur des micro-tons, sans lesquels l’identité même d’une mélodie donnée serait remise en cause. La chanteuse égyptienne Umm Kulthum, en particulier, était non seulement une praticienne douée de ces gradations microtonales dans la qualité des intervalles : elle était l’autorité en matière d’intonation juste.[3]

Pourtant le concept d’intonation juste existe au sein même de la scène musicale occidentale : le pur accord arithmétique des accords, par opposition à notre accord logarithmique moderne à 12 tons. Cette idée a fait son petit bout de chemin dans la conscience chorale générale au cours des deux derniers siècles, pour être abandonnée assez récemment, après la Renaissance.

[1] https://nmbx.newmusicusa.org/writing-for-the-chorus-text-dynamics-and-other-occupational-hazards/

[2]https://www.cpr.org/2014/03/11/is-modern-music-inaccessible-not-for-choral-music-fans/

[3] Farraj and Shumays, Inside Arabic Music, 2019

Cependant, un grand nombre de chanteurs qui se sont enregistrés professionnellement peuvent en témoigner : les limites humaines en contrôle du ton sont une réalité dont il faut s’accommoder. Ces limites, elles vous sont affichées, de façon un peu humiliante, lorsque que vous analysez une prise de son que vous croyiez pourtant plutôt réussie avec un logiciel d’analyse de ton tel que Melodyne. Je chantais faux d’autant de centièmes d’intervalles ?

J’imagine les compositeurs soupirer et secouer la tête en pensant : « Bien sûr, le chant microtonal est possible. Mais à moins d’être mandaté par Exaudi ou Neue Vocalsolisten Stuttgart ou Roomful of Teeth, cela ne va pas se produire si je le demande ! »

Alerte spoiler : c’est possible. Je suis compositeur et chef de chœur et je suis aussi microtonaliste. J’ai récemment eu quelque succès avec la pédagogie microtonale pour chorales, qui sera le sujet de mon prochain article. Après cela, un extrait de mon œuvre vokas animo, pour chœur et orchestre en 72 tons par octave, sera publié sur YouTube et le blog NewMusicBox.

Comment y suis-je arrivé? Peut-être que mon cas est spécial. Jusqu’à relativement récemment, je n’avais aucun contact avec des ensembles comme ceux que j’ai cités précédemment : des petits ensembles vocaux professionnels qui expérimentent régulièrement avec des micro-tons. J’ai grandi à Tucson, en Arizona, et je n’en suis jamais sorti. C’est une ville chorale, alimentée par l’excellent programme d’études supérieures en direction chorale de l’Université de l’Arizona ; mais ce n’est pas exactement un foyer de musique innovatrice.

Dans ce premier article, je raconte comment j’ai trouvé la microtonalité, ou plutôt comment elle m’a trouvé, au fil de collisions avec des écrivains et des aspects de la culture qui ne sont pas, en général, tellement associés à la musique contemporaine. Ce premier article décrit comment la pensée microtonale a influencé ma musique et comment ce processus est venu éclairer la façon dont je l’enseigne maintenant aux chorales. Aux chanteurs normaux.

Parce que, si moi j’ai pu l’apprendre, pourquoi pas eux ?

DÉBUTS : REJETER LA TONALITÉ

J’ai commencé la musique plus tard que la plupart de mes collègues. Avant l’âge de 11 ans, je n’en écoutais même pas tellement. Mais à 14 ans, j’avais commencé la guitare et appris des chansons de rock et de flamenco à partir de tablatures de guitare. À 16 ans, j’ai appris à lire la musique, puis j’ai étudié un manuel d’harmonie d’occasion pendant que mon ami suivait un cours de théorie musicale. Je me souviens vivement de mes difficultés avec les bases, mais aussi de mes triomphes. Je me délecte encore au souvenir de ma découverte des accords de sixièmes augmentées – comme du fruit interdit ! Plus fondamentalement, je me souviens du sentiment viscéral, quand j’étais en 6e et que mon professeur de chorale a démontré le contraste entre un accord majeur et un accord mineur sur le piano. La différence était si puissante et pourtant si subtile! Je ne comprenais pas ce qui changeait.

Apprendre comment ces accords étaient composés m’électrisait. C’est dans ce contexte – encore dans ma phase de lune de miel avec la musique, qui était alors nouvelle et lumineuse – que j’ai découvert les micro-tons.

Quand j’avais 16 ou 17 ans, un lien hypertexte sur un site Web délaissé m’a conduit sur www.anti-theory.com, un manifeste écrit par Q. Reed Ghazala à propos de cette chose appelée « dérivation de circuits ». Il y décrivait comment il avait minutieusement et plus ou moins aléatoirement altéré les tripes de jouets électroniques pour leur faire produire des sons puissants et nouveaux. Je me suis retrouvé sur une page décrivant un objet appelé « basson à photons profonds » qui produisait des glissandos semblables au thérémine lorsqu’un joueur agitait sa main. Mais en utilisant son autre main, le joueur pouvait passer à quelque chose qui me paraissait fou : une échelle (nombre de notes contenues dans une octave) arbitraire.

C’était le nouveau truc le plus cool que j’aie jamais entendu.

YouTube n’existait pas encore. Donc, à part les clips sonores parfois terrifiants du site Web de Ghazala, je n’ai rencontré qu’un autre exemple similaire pendant cette période de ma vie : le solo de guitare de « When The Music’s Over » des Doors. (La partie en question commence vers 2 minutes 50 sur la piste de leur album Strange Days, 1967.)

Le solo semblait déconnecté de son contexte, comme si le guitariste utilisait un bottleneck sans tenir aucun compte des positions des frettes. J’ai pensé : « C’est ça, c’est à ça que ressemblent les échelles arbitraires ! »

Quinze ans plus tard, je me rends compte que le guitariste n’utilisait pas de bottleneck. Et que son solo n’était pas vraiment en « divisions d’échelle arbitraires » – il utilisait juste beaucoup de courbures microtonales. Pourtant, la combinaison des non-mélodies fortement chromatiques et semi-aléatoires, de la hauteur souvent déformée des sons, des rythmes amétriques et du timbre étrange crée un passage qui contraste fortement avec la musique qui l’entoure.

Pour revenir au cas spécifique de la musique chorale microtonale, on peut comparer l’utilisation des micro-tons dans ce solo – et la texture polyphonique qui en résulte – au premier mouvement de la composition de Giacinto Scelsi en 1958 Tre Canti Sacri, en particulier à la deuxième minute du mouvement. Neue Vocalsolisten Stuttgart l’a interprété et leur enregistrement est disponible sur Youtube.[1]

Il s’agit d’une œuvre dans laquelle les gestes sont rois, et prévalent sur la mélodie ; et dans laquelle les intervalles sont sans doute utilisés pour leur timbre, allant de la dissonance des unissons purs et des quintes jusqu’aux quarts de tons palpitants. L’atmosphère est tendue et étrange – une ambiance chère à la musique du 20ème siècle. Et, bien que la pièce de Scelsi soit étroitement focalisée, contrairement aux solo(s) en roue libre de Robby Krieger, la microtonalité y est utilisée comme un outil pour obtenir le même effet : dévier de la hiérarchie tonale, et libérer momentanément l’auditeur de ces associations.

C’est de genre de chose qui rendrait un chef de choeur nerveux.

Après tout, comme ils n’ont pas de clé sur la gorge, les chanteurs utilisent en grande partie les hiérarchies tonales pour produire des sons de différentes hauteurs. Mais ce n’est pas pour autant une cause perdue. Premièrement, il existe des façons rationnelles d’aborder une pièce comme celle-ci, en utilisant ce qui est familier dans la musique comme structure de support. Et deuxièmement, la musique qui utilise la microtonalité spécifiquement dans le but de rejeter les structures familières nécessite rarement une intonation précise pour réussir.

Dans le Scelsi, la plupart du temps, je dirais qu’une erreur de 30 centièmes dans un sens comme dans l’autre – inacceptable dans des contextes tonaux – transmettrait toujours les informations nécessaires. (Pour une étude de cas fascinante de ce genre de chose dans la musique instrumentale microtonale, voir Knipper et Kreutz, Exploring Microtonal Performance of ‘… Plainte…’ de Klaus Huber, 2013.)

[1]

Scelsi, Tre Canti Sacri, mvt. 1, mm16-18

Ibid., mm43-45

Même dans cet excellent enregistrement, on entend une telle variation. Par exemple, à la mesure 17 (environ 0:38 sur la vidéo), le quart de ton entre le si ¼  dièse du ténor 1 et le do bécarre du contralto 2 sonnent pratiquement à l’unisson, alors qu’à la mesure 45 (1:39), ce même écart entre le mi bécarre du ténor 1 et le ré ¾ dièse du Ténor 2 sonne presque comme un demi ton. Ce n’est pas pour autant que les gens iraient accuser Neue Vocalsolisten de dénaturer la composition de Scelsi !

LE REVERS DE LA MÉDAILLE : EXPANSION DE LA TONALITÉ

Revenons à une époque où je n’avais encore jamais entendu parler de Scelsi, et que je commençais tout juste à étudier sérieusement la composition. Alors que je gardais la maison d’un ami de famille, je suis tombé par hasard sur un livre d’Ernst Toch : The Shaping Forces In Music. Publié en 1948, ce livre est une tentative captivante (et largement ignorée) de trouver des points communs entre la pratique de la tonalité et de l’atonalité. Un passage, long de quelques pages seulement, m’a marqué. Toch y soutient que la microtonalité est potentiellement compatible avec toutes les approches musicales. Il explique même comment cela aurait pu apporter une solution élégante à un « problème » que Beethoven lui-même a rencontré :

Beethoven, Piano Sonata Op. 30 in E Major, mvt. 3, mm1-8 (engraving by Craig Sapp, used under CC By-SA 4.0 International license)

Selon Toch : « Vers l’arrivée de [la mesure 8]… [le] flux rythmique régulier de la basse est contrarié pendant trois temps, car il ne reste plus d’espace pour la voix descendante. … [L] e problème pourrait être résolu en utilisant des quarts de ton comme illustré. » Voici l’une des solutions qu’il propose (il a également changé les voix intérieures pour plus de clarté) :

Et il a suggéré de chanter comme un moyen pratique pour en faire l’expérience. « Il est recommandé de chanter le quart de ton de la basse tout en jouant les autres voix au piano. On sera surpris de la facilité de la tâche, sa nouveauté étant suffisamment contrecarrée par sa logique tangible. » Cette citation m’est restée. Plus tard, j’ai suivi les conseils de Toch en écrivant des lignes de basse microtonales et des harmonies vocales discrètes chaque fois qu’un problème de tonalité particulier semblait nécessiter une solution microtonale.

Peu de temps après avoir découvert Toch, je me suis rendu à une conférence de musique chorale où quelqu’un a mentionné l’intonation juste pour les chorales comme stratégie d’accordage pour la musique conventionnelle. Ca m’a paru ésotérique, et bien qu’intéressant, j’ai oublié toutes les valeurs en centièmes d’intervalles.

J’ai également pris un cours hors du commun sur la construction d’instruments en ferraille, qui utilisait comme manuel scolaire un excellent livre sur les approches marginales intitulé Musical Instrument Design, par Bart Hopkin. Ce livre traite un peu d’intonation juste, et plus important encore pour moi, il comporte un tableau d’accordage qui compare le tempérament égal à 12 tons à plusieurs autres systèmes, dont l’intonation juste et d’autres divisions égales de l’octave. La collection de 43 tons de Harry Partch y figure : j’ai été étonné de la grande variété d’intervalles qui ont apparemment une sorte de sens harmonique (je n’ai entendu sa musique que des années plus tard).

La tête bouillonnante de toutes ces pensées, j’ai commencé à jouer avec un groupe de rock et nous avons enregistré un album. Une prise particulière de guitare avait un timbre incroyable, mais comme elle avait aussi une erreur, nous devions la refaire. Je n’ai jamais réussi à reproduire ce timbre ! Après quelque bricolage et beaucoup de frustration, nous avons découvert que la guitare de la première prise avait été légèrement désaccordée ; la tierce majeure était donc plus basse que d’habitude. Lorsque je l’avais ré-accordée pour l’overdub, cette propriété avait été supprimée. Me souvenant du livre Hopkin, j’ai essayé d’accorder la corde incriminée à la 5e harmonique ; et bingo, le timbre est revenu ! Un son étrangement résonnant et soutenu pour un accord majeur sur guitare saturée. J’ai pensé : « C’est ça l’effet de l’intonation juste. »

Plus tard, notre groupe de rock a incorporé dans notre numéro une harmonie vocale dense, mais nous avions du mal à rester en harmonie dans les situations en direct. Me souvenant de notre expérience avec le timbre de guitare, j’ai cherché une sorte de référence qui pourrait nous aider. Cela s’est avéré être l’expérience harmonique de W. A. Mathieu, un manuel pour comprendre l’intonation juste dans la pratique (et l’appliquer à l’harmonie jazz). Finalement, le groupe n’a utilisé aucun des exercices – bien dommage ! – mais le livre m’a montré comment il pourrait s’avérer nécessaire d’altérer les tons soutenus par de tout petits intervalles, des « virgules », afin de maintenir un accordage pur lorsque l’harmonie sous-jacente change. Mais, plus important encore pour Mathieu, ce livre parle de la sensation corporelle d’un accordage pur. Voilà comment apprendre ces nouveaux / anciens intervalles.

Car ces intervalles n’ont rien de nouveau. Nicolà Vicentino a composé des pièces qui incarnent la pensée de Mathieu et de Toch… en 1555. L’ensemble vocal de chambre d’avant-garde Exaudi a publié des enregistrements a capella pionniers d’expériences microtonales de Vicentino, qui sont disponibles sur YouTube ; un moment particulièrement fort est Dolce mio ben.[1]

Cette œuvre combine des aspects d’intonation juste – des tierces majeures très étroites et des tierces mineurs très larges – et des aspects de quarts de tons qui ressemblent à l’insertion par Toch de micro-tons intercalaires dans une ligne par ailleurs chromatique. Au milieu de ce que nous appellerions maintenant une progression 5-1 en sol, Vicentino place un ton principal « supplémentaire » entre le fa dièse et le sol. Contrairement à Toch, il accorde tout un accord à ce ton intercalaire. Cela se produit à 0:18 dans la vidéo YouTube à laquelle j’ai fait référence – voir l’extrait de partition ci-dessous (paroles simplifiées).

[1]https://www.youtube.com/watch? v = 4vM3p4rtdbs

Ce n’est pas vraiment en quarts de ton, ni vraiment en intonation juste. C’est en réalité un tempérament égal à 31 tons ; la notation standard moderne réinterprète légèrement toutes les altérations chromatiques et quarts de tons, mais ce qui se passe devrait rester clair. Soit dit en passant, Vicentino aime ce type de forme, qui apparaît tout le temps dans sa musique microtonale telle qu’on la connaît.

Donc, bien avant de sauter le pas et de me résoudre à composer en micro-tons – et, ce faisant, de me familiariser avec la littérature et le répertoire volumineux qui existent réellement – j’avais été exposé à deux philosophies complètement différentes de la microtonalité : soit échapper au système, soit l’aider à devenir en quelque sorte plus lui-même. Et à première vue, ces catégories semblent avoir assez bien résisté, en termes de conseils pour interpréter un passage donné.

Une chose, cependant, que j’aurais souhaité pouvoir lire à l’adolescence, est une vue d’ensemble complète de toutes les façons dont les gens ont utilisé la microtonalité dans la musique occidentale. Jusqu’à très récemment, rien de tel ne semblait exister – tout avait son programme relativement étroit, et de toute façon c’était trop technique pour l’adolescent que j’étais. Comme nous l’avons vu, je me suis peu à peu formé une image incomplète en glanant des expériences ici et là. Mais l’année dernière, Kyle Gann a publié The Arithmetic of Listening, et plus personne n’aura besoin de subir mon sort.

Ce livre est probablement la ressource microtonale la plus importante qui existe aujourd’hui. En effet, il s’agit d’une étude sur les nombreuses façons dont la microtonalité a été utilisée ; mais c’est aussi tout un paradigme sur la façon dont la microtonalité peut être enseignée. Des concepts d’accordage tels que l’accord pythagoricien, les tempéraments mésotoniques, la gamme tempérée et l’harmonie Barbershop sont explorés à travers l’objectif d’ajouter progressivement des limites premières au vocabulaire harmonique. Une fois la limite de 13 passée (avec des discussions sur Ben Johnston, Toby Twining, et l’Hyperchromatica de Gann), la conversation se tourne sur les divisions égales de l’octave, couvrant non seulement ce qu’elles sont, mais ce qu’elles font. Cela comprend l’introduction la plus utile à la théorie du tempérament régulier que j’aie jamais lue, qui sera un radeau de sauvetage pour tous ceux qui ont tenté de nager dans les eaux troubles d’Internet qui couvrent ce sujet.

Il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord ; par exemple son analyse miniature du Quatuor à cordes n ° 5 d’Ezra Sims, exclusivement en termes d’édo-étapes – bien qu’il ait également cité Sims plusieurs fois en disant que son utilisation de 72tet est destinée être harmonique (c’est-à-dire basée sur un rapport). Et le bref passage sur les systèmes d’accord non occidentaux est un peu trop truffé d’avertissements (du style « ne pas considérer comme représentatif de la façon dont ces cultures comprennent leur propre musique »). Finalement, tous ceux qui recherchent des ressources strictement atonales dans ce livre seront déçus – le livre ne discute pas beaucoup des méthodes organisées d’utiliser les structures microtonales sans référence à une tonique globale ou locale (par exemple 1/1). Pourtant, malgré ces problèmes et quelques autres, The Arithmetic of Listening est le premier livre que je recommanderais à tous ceux qui veulent une introduction sérieuse à la microtonalité. Je souhaite que le monde l’ait eu plus tôt.

LA FACILITÉ DE LA TÂCHE

Mais revenons à nos moutons : les façons dont j’ai été introduit aux techniques microtonales sont très abordables pour les débutants, et je considère cela comme un coup de chance fantastique.

Pourquoi pouvez-vous chanter entre les notes? Justement parce qu’ils sont entre les notes. Vous partez quelque part et arrivez quelque part, et ces deux endroits sont fixes et familiers. Quand j’ai enregistré un « double ton de tête » Toch-ian pour les choristes d’une chanson country, c’était tout à fait naturel dans le contexte, juste une légère extension d’un truc de voix normal qui se produit dans les styles pop. Il n’a pratiquement pas fallu de pratique pour obtenir cette prise. Tout le monde peut le faire : et j’ai appris aux gens à le faire.

Pourquoi pouvez-vous chanter des intervalles d’intonation juste ? Parce que, comme l’a dit Mathieu, ils sont ressentis autant qu’entendus. L’intonation juste a beau être une construction théorique comme tout le reste, elle fournit cependant des repères perceptifs faciles à atteindre. C’est en chantant en harmonie que vous avez le déclic – il suffit de demander à un ensemble Barbershop. Eux, ils savent chanter un parfait 7/4 : non pas à cause du rapport, ni parce qu’il est 31 centièmes plus bas qu’un accord de 7ème mineur en tempérament égal. Beaucoup de ces gars ne savent même pas lire la musique. Ils le savent parce que l’accord sonne différemment des accords voisins. Alors, pourquoi le reste d’entre nous ne peut-il pas apprendre ces nouvelles consonances ? Certaines sont un peu plus difficiles que 7/4, mais beaucoup ne sont pas beaucoup plus difficiles. Et encore une fois, j’ai réussi à les enseigner à des gens qui ne sont pas du tout avant-gardistes.

En dehors de ces applications (qui, soit dit en passant, infiltrent déjà la musique pop via des numéros tels que Jacob Collier[1] et They Might Be Giants[2]), il est bon de rappeler qu’il existe une vaste gamme d’intervalles d’apprentissage dans le monde – bien plus simples que les rapports d’intonation juste. De nombreuses cultures utilisent des intervalles qui ne correspondent à aucun « repère » harmonique particulier. Ainsi, une norme d’accord précise n’a clairement pas besoin d’être dépendante des phénomènes acoustiques en soi.

L’apprentissage de ces intervalles inharmoniques est plus difficile, que ce soit dans le cadre d’un système traditionnel (mais nouveau pour vous), ou bien complètement novateur, mais il est possible avec du soutien. J’ai aidé d’autres personnes à faire ça. Ca aide de se rappeler que tous nos intervalles de 12 tons familiers, à l’exception de l’octave, sont en fait inharmoniques eux aussi. Eh oui, les intervalles avec lesquels vous avez grandi sont tout aussi «contre nature» que ceux que vous essayez d’apprendre!

La combinaison de ces éléments dans une approche unifiée est étonnamment intuitive. Ils peuvent bien s’intégrer aux techniques standards des chorales, si l’on est un peu créatif avec l’utilisation de la technologie, le rôle du piano, le rôle de la voix du chef de chœur. Une grande partie de cela peut être réalisée avec les mêmes astuces de base que les gens utilisent pour enseigner aux enfants les intervalles diatoniques et chromatiques. En utilisant tout cela, et aidé par les stratégies de Fahad Siadat, Ross Duffin, Robert Reinhart et d’autres, j’ai mis au point une boîte à outils pour enseigner à un chœur à peu près n’importe quelle pièce microtonale – plus ou moins rapidement.

L’enseignement de toute pièce difficile prend du temps. Et il y a des pièces microtonales qui sont beaucoup plus formidables que d’autres ; mais c’est vrai pour tout genre, microtonal ou non. Le fait est que vous pouvez utiliser ces outils comme point d’entrée vers n’importe quelle pièce, plutôt que de contempler quelque chose comme les Sonnets de la Désolation de Ben Johnston et de sombrer, euh, dans la désolation.

J’espère inspirer plus de chefs de chœurs à investir du temps dans l’apprentissage d’un répertoire microtonal avec leur ensemble. Les récompenses peuvent être grandes : non seulement d’un point de vue artistique, mais aussi pour la façon dont la conscience microtonale aiguise les compétences d’intonation pour le répertoire standard.

Ne manquez pas mon deuxième article à propos des techniques pratiques de répétition !

[1] https://www.youtube.com/watch?v=NHC2XNGerW4

[2  https://www.youtube.com/watch?v=sxbporF6GCw

Robert Lopez-Hanshaw est le directeur musical du Temple Emanu-El à Tucson, Arizona et compositeur invité en résidence au Southern Arizona Symphony Orchestra. Il est également le rédacteur en chef de «Practical Microtones», un recueil de doigtés et de techniques de jeu en 72tet pour tous les instruments d’orchestre standard, qui sera publié début 2021. Lopez-Hanshaw est un intervenant en pédagogie des micro-tons et des modes de prière juive ashkénaze à l’occasion d’événements tels que le festival nord-américain de musique chorale juive, le festival de musique BEYOND Microtonal, la guilde des musiciens du Temple, et la conférence biennale de l’alliance de saxophone nord-américaine. Ses compositions ont été commandées par des organisations communautaires et religieuses du sud de l’Arizona, ainsi que par des artistes individuels à travers les États-Unis. Sa pièce «vokas animo», pour chœur et orchestre complet au tempérament égal à 72 tons, a été créée en janvier 2020 par le Tucson Symphony Orchestra and Chorus. Courriel: robert.a.hanshaw@gmail.com

 

Traduit de l’anglais par Laure MOUILLET (Canada), relu par Jean PAYON (Belgique)

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